María Muñoz : Au nom du corps
La Catalane María Muñoz revient à Montréal pour y donner en première mondiale Tous les noms. Une oeuvre protéiforme coproduite par l’Agora de la danse.
Invitée en 2008 dans le cadre de l’événement Destination Danse consacré à la Catalogne, María Muñoz avait révélé ses talents d’interprète à travers un riche exercice de style sur la musique de Bach. De retour en solo, elle nous offre la primeur d’une oeuvre plus représentative de la signature de Mal Pelo, compagnie qu’elle a fondée en 1987 avec son complice de vie et de création Pep Ramis. "La perspective de travail est quasiment opposée parce que c’est un travail d’équipe avec plusieurs couches à composer en même temps, commente-t-elle. Le processus de création est beaucoup plus long et les détails de l’écriture sont définis en commun à mesure qu’on avance. C’est quelque chose qui caractérise beaucoup notre compagnie, qu’on a conçue comme un noyau créatif."
Tous les noms s’annonce comme une oeuvre complexe qui intègre du texte, du son et de l’image à la chorégraphie. Pour en assurer la mise en scène, Muñoz et Ramis ont réuni une douzaine de personnes dont plusieurs vieux complices. Parmi ceux-ci, deux scénographes ont conçu des objets sonores pour rendre l’espace vivant, en collaboration avec l’éclairagiste, et trois musiciens et un concepteur sonore se sont affairés à créer les atmosphères recherchées. Peaufinée à l’Agora dans les 10 jours précédant la première, la pièce s’attache au thème de l’identité en lien avec le verbe.
"C’est un désir très ancien; je n’ai pas eu à chercher le titre longtemps parce qu’il revenait régulièrement dans mes notes, confie Muñoz. J’ai toujours travaillé à partir du corps, et chaque fois que je faisais autre chose que danser sur une musique, je ressentais le besoin de parler. Pas dans un sens théâtral, mais comme si la parole était une extrémité en plus des jambes qui me donnent la base, la dynamique, et des bras qui me donnent le geste, le volume. Ça a attisé ma curiosité."
Pour creuser son sujet et pondre les trois textes qui émaillent la pièce (et qui seront dits en français ou sous-titrés), la chorégraphe-interprète a entretenu de nombreux échanges avec le philosophe madrilène Carlos Thiebaut, dont elle a lu les livres, et avec l’écrivain britannique John Berger, critique d’art et scénariste qui a fréquenté plus d’une fois L’animal a l’esquena, centre de création, de formation et de documentation créé par Muñoz et Ramis dans la campagne catalane. Mais comment transposer sur scène tous les concepts élaborés autour de l’idée que notre identité se construit sur notre capacité à nommer les choses?
"Dans les deux textes en voix off et dans celui que je dis en direct, j’essaie de communiquer certaines de ces idées le plus simplement possible pour que chacun puisse s’y retrouver, précise Muñoz. Aussi, ce que j’ai voulu nommer, je l’ai vécu dans mon corps. Je pense d’ailleurs que nos corps sont imprégnés de la manière dont on a nommé et vécu la vie. Je joue donc avec un personnage qui parle, que nous appelons le lapin et qui me permet de bouger d’une certaine manière, et avec un personnage présent qui essaie de nommer les choses en silence à partir de son corps."