Andrew Turner : L’absente

Pour les 30 premières minutes de Duet for One Plus Digressions, le chorégraphe et danseur Andrew Turner demande au public un service très singulier: imaginer sa partenaire. Ainsi, il "valse" avec l’invisible, est propulsé par des mains qu’on ne voit pas. Si l’originalité de la proposition réside dans la fiction, son essence, elle, vient du réel.

"C’est quelque chose qui m’est arrivé, amorce le créateur montréalais. Je faisais un duo et la fille avec qui je dansais ne pouvait pas être là. J’ai donc fait le show sans elle, en décrivant la pièce au public, et j’ai réalisé que c’était meilleur que ce qu’on devait présenter. Comme je donnais des explications sur scène en temps réel, ça apportait un côté très accessible à la pièce, en plus d’ajouter une pointe d’humour, ce qui, dans la danse contemporaine, est un peu rare."

Turner aborde effectivement son art d’une manière peu commune: il parle sur scène, jongle avec l’humour, s’inspire des arts martiaux, du yoga et du taï-chi pour ses chorégraphies. Son arrivée tardive dans le milieu de la danse, à la mi-vingtaine, explique-t-elle en partie cette grande ouverture? "Oui, tout était nouveau pour moi. J’étais entouré de gens qui dansaient depuis leur enfance alors que moi, à 24 ans, j’étais dans un état constant de découvertes. Il y a beaucoup de choses que certains tenaient pour acquises que je n’ai jamais tenues pour acquises." Et d’où lui vient son penchant pour les arts martiaux? "Les arts martiaux, c’était ma première référence côté mouvements. J’ai accédé à la danse à travers le taï-chi et le kung-fu. Je trouve que ce sont des disciplines dont les mouvements sont très axés sur l’efficacité, sur une façon fonctionnelle de bouger le corps: comment rouler par terre, comment "dealer" avec du poids… Ce qu’on apprend dans les arts martiaux, ce sont des outils très intéressants quand on travaille avec un partenaire. C’est très "groundé", très fluide."

Car il faut le dire, Duet for One Plus Digressions n’est pas juste un spectacle solo. Milan Gervais, la fameuse danseuse qui brille par son absence, vient rejoindre le chorégraphe vers la fin du show. "Chaque fois, c’est très le fun. Je sens l’attention des gens. Parce qu’à ce moment-là, c’est la troisième fois qu’ils voient les mouvements: je les ai décrits, je les ai faits sans Milan, et finalement, je les fais avec elle. Il y a une progression du très abstrait au très concret", conclut doucement l’artiste.

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