Irina Brook : Simplicité volontaire
Scène

Irina Brook : Simplicité volontaire

Son nom est légende, mais elle crée un théâtre discret et sans prétention. Irina Brook, fille de l’illustre Peter Brook, débarque à Montréal avec En attendant le songe…, adaptation du Songe d’une nuit d’été.

Si on voulait vraiment multiplier les comparaisons avec son célèbre père, on dirait qu’Irina Brook, comme son père, est anglophile mais passionnée par la culture française. Que comme lui, elle met le jeu des acteurs au centre de son travail. Et que, comme lui, elle s’intéresse à Shakespeare. La mise en scène du Songe d’une nuit d’été par Peter Brook dans les années 70 a fait date, et cette comédie exposant les amours féeriques de jeunes amants hante Irina Brook depuis sa tendre enfance. Mais il serait incongru d’en rajouter.

Si son illustre père a chaviré les scènes européennes avec un théâtre dépouillé qu’elle poursuit à sa manière, elle entretient avec les grands textes un rapport plus léger. Irina Brook défend en effet un théâtre populaire et accessible, parfois enfantin, centré sur l’atteinte de grandes émotions universelles et d’une certaine simplicité dans le ton, quand il ne s’agit pas de retrouver dans l’écriture des maîtres une sorte de quotidienneté.

"Le mot populaire est dangereux, nuance-t-elle. C’est un mot noble, mais il en insulte plus d’un. Mais il est vrai que, pour moi, le théâtre ne peut pas être élitiste, parce que le théâtre, c’est le partage. C’est très mal vu en France de travailler pour plaire au public, mais je désire plus fort que tout aller à l’encontre de cette perception négative. Je cherche à plaire, pas d’une manière commerciale, mais d’une manière profonde."

Ainsi, elle a tendance à simplifier les choses. Pas férue d’analyse, elle valorise ce qui surgit directement du plateau de répétition, quand "les acteurs possèdent vraiment le texte et l’ont intériorisé". "Je ne suis pas anti-intellectuelle, dit-elle, mais parce que mon père a un intellect si fabuleux, j’ai bien sûr pendant de longues années cherché à aller à contre-courant de cet intellect. J’ai un esprit très spontané et je ne cherche pas à longuement discuter les choses."

En attendant le songe… est donc taillé dans un matériau brut. D’abord créée pour être jouée en plein air dans un petit festival de l’Essonne avec une distribution entièrement masculine, la pièce a gardé ses allures de pauvreté volontaire et de simplicité désarmante. Résolument placée du côté de la comédie, décrite par certains critiques comme une pièce "burlesque", l’adaptation de Brook s’éloigne du texte original pour mieux s’en rapprocher.

"Je fais toujours beaucoup de modifications dans les textes, mais je m’aperçois que notre spectacle est finalement très fidèle à la trame du Songe. Les libertés qu’on a prises sont inoffensives. J’ai toujours senti que j’étais proche de Shakespeare, au fond, parce qu’il avait une écriture très collée à son époque, et je pense que c’est une erreur de le traduire avec un langage victorien. L’énorme avantage que nous avons de le jouer en français est qu’on peut prendre de la distance avec la tradition, mettre les référents à jour et donner à cette langue-là une actualité, une fraîcheur."