Luc Picard : Bouffon du roi
Blasés de politique? C’est ce qu’on va voir, alors que l’acteur, scénariste et réalisateur Luc Picard s’abandonne au rôle de premier ministre, ici même à Québec, dans le cadre des sixièmes Parlementeries.
Les travaux parlementaires ludiques reprennent du service. Une édition qui promet, galvanisée par le climat politique prolifique des dernières semaines.
Le 24 octobre prochain, au Capitole de Québec, ce nouveau Parlement fictif se rassemblera à la suite d’une élection où seulement 4 % de la population s’est prévalue de son droit de vote.
Ses députés et ses ministres? Un amalgame d’humoristes mais aussi de gens issus du théâtre, comme Luc Picard, qui avoue être sauté dans l’aventure par amour du défi. "Oui, j’ai déjà fait de l’humour, au théâtre, mais dans ce contexte-ci, c’est différent. Le texte n’est pas immuable. On réécrit et on s’ajuste constamment, au gré de l’actualité."
"C’est justement ce qui sera différent, cette année, nous raconte-t-il, saturé de cette profondeur humaine et engagée qu’on lui connaît. Plutôt que d’enchaîner une suite de numéros, nous essayons de créer un tout cohérent, un show qui se tient et qui parle des sujets qui nous touchent."
Pour Luc, c’est la précarité de la langue française – surtout à Montréal. Pour la majorité des autres "parlementeurs", il y a le thème de la construction et de ce besoin viscéral de créer des commissions d’enquête très coûteuses. "L’argent pourrait aller ailleurs, là où on en a vraiment besoin. La construction est si onéreuse, au Québec, avec ses petites corruptions. On dirait que ça fait partie de nos moeurs politiques."
Est-ce donc que la nouvelle édition des Parlementeries cherchera à faire réfléchir davantage qu’à faire rire? "Non. Ça reste un show d’humour. Notre but est plutôt de nous servir du puissant véhicule qu’est l’humour pour responsabiliser les gens. Leur faire comprendre que ça commence avec eux."
"Tsé, il n’y a pas toujours eu de la morosité dans l’air comme aujourd’hui où, à part peut-être l’environnement, on ne partage plus aucun idéal de société. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a eu des périodes dans l’histoire québécoise où nous nous sommes vus grisés par des buts collectifs. Et c’est en exerçant notre droit de parole qu’on s’en rend compte. Il faut le dire, le faire. Croire en notre pouvoir de simple citoyen, car il est bien réel. L’histoire en témoigne."
Mais Luc Picard ne se laisse pas leurrer. Il sait bien qu’aborder la politique avec dérision, aussi légère et humoristique soit-elle, fore la voie au cynisme. "Il y a un danger, c’est sûr. C’est facile d’être cynique, c’est un peu l’héritage de notre confort. Au moins, on réagit encore. Les Parlementeries sont là pour ça. C’est le désintérêt qui me ferait vraiment peur."
Un exercice sain, donc. Un exutoire. "En s’arrogeant le rôle classique de bouffon du roi, on s’octroie le droit de remettre en question les choix de notre société", conclut-il en riant de bon coeur.
"Tant que ça reste drôle. Sinon, on pourrait se faire couper la tête."