Daniel Lemire : À sa tête
Scène

Daniel Lemire : À sa tête

Daniel Lemire en est à son neuvième spectacle solo et il aime toujours autant l’humour politique. On parle avec lui de liberté, de corruption et d’actualité internationale.

Il occupe une place bien à lui dans le spectre de l’humour québécois. "Pas comme les autres, celui-là", se dit-on en observant la constance avec laquelle Daniel Lemire porte son regard sur le monde et refuse de se complaire dans les sempiternelles blagues sur les relations de couple. Pourtant, il n’est pas non plus de ceux qui veulent réinventer l’humour à chaque nouveau spectacle. Il ne laisse pas tomber sa formule gagnante: des numéros qui vont du coq à l’âne et embrassent une grande quantité de sujets, une tendance à la satire sociale, un humour ancré dans l’incarnation de personnages et toujours une petite place pour du stand-up à l’américaine en début de spectacle.

Au fond, il n’en fait qu’à sa tête. Le mot d’ordre, c’est la liberté. "Depuis sept ou huit ans, dit-il, les humoristes se sont mis à faire des études de marché pour déterminer ce que les gens veulent entendre. Je trouve cette attitude très étrange. L’humoriste doit entraîner le public vers sa bulle ou son univers, pas le contraire. Donner au public exactement ce qu’il veut, ce n’est plus de l’humour, c’est du marketing. Je conçois que ça puisse exister, mais je me réjouis que tout le monde ne soit pas entré dans ce système. Ça mène souvent à un humour du plus bas dénominateur commun et je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée. À mon avis, ce n’est pas toujours payant."

Lemire propose donc un nouveau spectacle qui traite de ses propres préoccupations, loin toutefois du narcissisme car il se soucie toujours autant des enjeux sociétaux. Et puis, il aime le dialogue et a invité deux comédiens à l’accompagner sur scène (Annick Beaulne et Normand Poirier). Ça ira dans tous les sens, de Facebook jusqu’au Canadien de Montréal, en passant par le Vatican, le départ de l’armée canadienne de l’Afghanistan, le programme de clowns thérapeutiques pour les personnes âgées (numéro qui marque le grand retour de Ronnie Dubé), la fraude économique et le durcissement de la sécurité aux douanes. Vaste programme, dans lequel on remarque un intérêt croissant pour les questions internationales.

"Je trouve l’actualité internationale plus nourrissante ces temps-ci en tant qu’humoriste, parce qu’il s’en dégage des thèmes plus universels, plus riches, et parce que ça permet de nous observer nous-mêmes sous une loupe différente. Au Québec, en ce moment, il me semble que l’actualité est d’une déprimante rectitude politique. Il ne faut pas jouer les vierges offensées, quand même. La corruption et le patronage, par exemple, c’est vieux comme la lune. C’est pareil aux États-Unis, en France, en Italie, et même pire. On est là à en faire un feuilleton sans rebondissements, alors que d’autres sujets de haute importance sont évacués. Je ne dis pas qu’il faut arrêter de dénoncer la corruption, mais tout ça mérite un peu de mise en perspective et de relativisation."