Gill Champagne : Entre les murs
Scène

Gill Champagne : Entre les murs

Gill Champagne a eu l’idée de fêter les 40 ans du Trident avec le Théâtre Blanc, dont c’est le 30e anniversaire, en montant Kliniken (Crises) de Lars Norén. Plus on est de fous…

Dès sa première lecture de Kliniken (Crises) du Suédois Lars Norén (Guerre au Carrefour 2004), Gill Champagne, directeur artistique du Trident, a voulu porter à la scène cette incursion dans le quotidien de neuf résidants d’un institut psychiatrique. "D’abord, pour le propos de ces êtres qu’on dit marginaux, mais qui, finalement, sont un peu notre reflet, explique-t-il. Aussi, parce que Lars Norén est un auteur contemporain majeur qu’il est important de faire connaître au public de Québec."

De plus, il s’agissait du texte tout désigné pour une coproduction avec le Théâtre Blanc, dont il a été le premier directeur artistique et qui célèbre cette année son 30e anniversaire. "La première pièce importante du Blanc, Folie noire sur fond blanc, portait sur la maladie mentale, rappelle-t-il. Aussi, je savais que cette compagnie aime aller dans des lieux marginaux, rendre le spectateur voyeur de ce qui se passe." Exactement le type de traitement qu’appelait cette oeuvre.

"C’est comme si on ouvrait la porte d’une salle de séjour d’institut psychiatrique et qu’on suivait les gens qui l’habitent. On assiste à l’exposition de neuf cas, des personnes qui sont là, qui doivent subir les décisions de la société. Aussi, il est beau de les voir parler de nous, de comment ils voient le monde extérieur. Souvent, les discussions sont simultanées. Tout à coup, on se concentre sur une scène plus intime, mais ça n’empêche pas qu’à côté, les autres continuent à vivre."

Ainsi les artistes cherchent-ils à donner au spectateur-témoin l’impression de la vraie vie. "J’ai rarement monté ce genre de pièce hyperréaliste, remarque-t-il. On recrée le quotidien le plus banal, jusque dans les odeurs de café et de pop-corn. Les comédiens sont très près. Le public est vraiment dans la salle avec eux."

Cette approche sert également le texte dans sa volonté de susciter la réflexion. Par exemple, quant à ce qui détermine la frontière entre santé mentale et folie. "Tous ces gens vivent ensemble, mais ils ne sont pas faits pour ça. Il est intéressant d’exposer cette situation et de s’en servir pour provoquer des discussions." Plus, les personnages eux-mêmes s’arrêtent parfois pour lancer une question dérangeante au public, avec les "cassures très difficiles à rendre émotivement" que cela implique pour les comédiens.

"La pièce est construite en contrastes. Tu peux rire et, trois secondes après, tu es super ému. Ils se chicanent, puis ils s’étreignent. On ne sait jamais comment ils vont réagir. Donc, il en ressort une symphonie de toutes sortes d’émotions, observe-t-il. Pour certains spectateurs, ce sera très dramatique parce qu’ils vont se reconnaître ou reconnaître quelqu’un; pour d’autres, ce sera léger parce que ce n’est jamais monté comme un drame." Une chose est certaine, à l’heure des épidémies d’épuisement professionnel et de troubles de l’attention, le sujet apparaît on ne peut plus actuel.