Ce n’est pas vraiment de chanson, de variétés ou de comédie musicale qu’il est question dans le spectacle hors-norme avec lequel Olivier Choinière célèbre les dix ans de sa compagnie, L’Activité. Ce serait trop simple. Pas digne de celui qui nous a donné Félicité et ParadiXXX. À vrai dire, l’auteur et metteur en scène se sert de la chanson comme d’une percutante métaphore, une démonstration par l’absurde, une manière redoutablement efficace d’incarner ses idées sur la société du spectacle. Sur scène, 50 interprètes défendent avec une conviction peu commune l’hymne entêtant qu’a pondu Choinière, un chant de rassemblement qui parle de lui-même en se qualifiant d’archaïque, de messianique, d’angélique, de prophétique… Il y a les harmonies faciles et les chorégraphies niaises, la fumée de plus en plus dense, les éclairages toujours plus intenses et colorés, puis, moment charnière, l’arrivée d’une vedette de la chanson. C’est alors que la soirée prend une tournure inquiétante. La cadence s’accélère, les chorégraphies se font militaires et les quidams qui prenaient quelques minutes plus tôt un vif plaisir à communier avec leurs semblables se transforment en esclaves. C’est bien d’obéissance qu’il est ici question, de la manière plus ou moins consciente dont on se conforme chaque jour à mille et un diktats. C’est la tyrannie du toujours plus. Celle qui glorifie le kitsch et le factice. Celle qui nous pousse à couper court et à réfléchir peu, à ressasser nos préjugés et nos idées reçues, à caresser nos certitudes. Pour mettre le doigt là-dessus, Choinière n’a pas son pareil. C’est bien ce qui fait de lui un artiste essentiel. À Espace Libre, jusqu’au 6 novembre. Billetterie: 514 521-4191.