La Cerisaie : Brève scène 2010-11-04
Un cinquième Tchekhov pour Yves Desgagnés. Malheureusement moins réussi que les précédents. Une Cerisaie sans aspérité, sans parti pris, sans contrastes, ou si peu. Assez ennuyante pour brouiller les jeunes spectateurs avec le grand dramaturge russe. On remarque tout d’abord un problème de rythme. Alors que le ballet des entrées et des sorties était si bien réglé dans Oncle Vania, que la répartition des corps sur le plateau semblait répondre à une stratégie, la chose est ici lente et fastidieuse. Du côté du décor, on multiplie les clichés: tapis fleuri, samovar rutilant, cerisiers en plastique, banc de parc… Des objets qui sont pour la plupart tirés d’une armoire, cette fameuse armoire qui, on ne cesse de nous le rappeler, symbolise le passé. Mélancolie, spleen, nostalgie, langueur… Bien sûr, qu’il y a tout cela dans La Cerisaie. Mais il y a aussi de la rage, des regrets, de la fureur, du dégoût, de la colère devant un monde qui change et qui retire à Lioubov, Gaev, Varia et les autres leurs vies d’avant, leurs privilèges. Ces sentiments dévorants, on ne les sent pas ou bien peu chez Maude Guérin, Michel Dumont, Catherine Trudeau et les autres. Il reste que le plus grand problème de ce spectacle est son absence de point de vue. Alors que nombre de créateurs européens se laissent galvaniser par Tchekhov, par la pertinence de son discours sur les grandes mutations sociales et la lutte des classes, Desgagnés se contente de faire joli. Ne pas prendre ce théâtre à bras-le-corps, ne pas le lire en profondeur, ne pas faire voir et entendre les volcans qui l’habitent, c’est lui manquer de respect. Chez Duceppe, jusqu’au 4 décembre.