André Perrier : Châteaux de sable
Scène

André Perrier : Châteaux de sable

Dédiée aux femmes et aux enfants, les "plus grands perdants de l’histoire" selon son auteur, la pièce Sahel fait fi de certaines conventions théâtrales. Son metteur en scène, André Perrier, justifie ses détours pour rendre justice à cette fable si humaine.

Sahel signifie "la côte" en arabe et désigne une bande de territoires de l’Afrique du Nord marqués par une transition climatique entre le domaine soudanais et l’aride Sahara. Le paysage sur lequel s’est bâtie la pièce homonyme présentée par le Théâtre de la Vieille 17 est on ne peut plus austère: du sable envahisseur, un vent cruel et, tristement, rien d’autre. Dans ce désert, une femme et son enfant attendent la mort. Probablement parce que c’est tout ce qui leur reste de bon à faire. Enveloppé d’un profond amour mutuel, le duo vivra diligemment ce passage vers ce que l’on devine être un au-delà plus aisé, à mille lieues de ce sempiternel sable et de ce constant combat pour une vie qui se révèle quotidiennement inadéquate.

Après avoir passé deux ans au Sahel, dans les années 70, pendant ce que l’on considère comme l’une des pires sécheresses à avoir marqué l’histoire, l’auteur franco-ontarien Franco Catanzariti est revenu au Canada déboussolé et hanté par le peuple nomade qui habite la région. "Des milliers de gens sont morts, soutient d’emblée le metteur en scène André Perrier, qui a signé la mise en scène du spectacle initial présenté à Sudbury en 2003. Ces tribus ont été oubliées par les différents organismes d’aide internationale. Et l’auteur a passé tout près de 25 ans à rédiger, réviser, raturer et peaufiner ce texte. Au final, ça donne un récit très pur. En même temps, puisque l’auteur n’avait jamais eu l’intention de le monter sous la forme d’un spectacle, ça reste un texte très personnel."

Si le texte, qui "parle d’un ailleurs si présent, chose qui est rare dans le théâtre franco-ontarien", se révèle d’un onirisme on ne peut plus singulier, il exigeait que le metteur en scène fasse quelques entorses aux règles théâtrales. À commencer par son traitement du personnage de l’enfant, qui a nécessité un travail bien particulier, celui des marionnettes. "Quelqu’un qui voudrait faire monter un texte à deux personnages dont l’un est un enfant, ça se voit très rarement. Dès les premières répétitions, il était évident que la marionnette allait amener une dimension particulière", explique l’homme de théâtre en ajoutant avoir pris soin d’engager deux acteurs, et non des manipulateurs, pour mettre en vie la marionnette utilisée sur scène.

"Puisque les personnages sont dans l’attente, le rythme est beaucoup plus lent que ce qu’on est habitué de voir dans une pièce de théâtre. Plus ces personnages se détériorent, plus ils retournent au sable dans une lenteur contemplative. C’est de cette insignifiance qu’il est question dans la pièce", termine le metteur en scène.

Les prochaines représentations de Sahel permettront au Théâtre de la Vieille 17 d’amasser des fonds qui iront à Oxfam, organisme qui aide, entre autres, les peuples de cette région.