Simon Boulerice : Simon va au théâtre
Atypique, ce Simon Boulerice! Il aime: rendre beau le laid, les imperfections, salir les choses, les didascalies. Entrevue avec un homme de théâtre qui prône la différence.
C’est au téléphone, un pluvieux vendredi soir, que nous joignons Simon Boulerice. Même s’il était à Québec pour jouer dans la pièce La Robe de ma mère, d’autres obligations théâtrales l’attendaient à Montréal dès la fin de sa représentation. Malgré la noirceur de novembre, c’est un homme lumineux, passionné et surtout loquace qui se trouvait au bout du fil. Pas surprenant que l’auteur de la pièce Éric n’est pas beau explique que "dans le théâtre jeune public, il est primordial qu’il y ait de la lumière. On peut couvrir tous les thèmes s’il y a de la lumière". Cette luminosité, il la crée avec l’humour. "Un enfant par définition a envie de rire. Enfant, j’étais à l’affût de tout ce qui me faisait rire."
Simon Boulerice aime donner la parole aux antihéros. Alors qu’il était étudiant au Collège Lionel-Groulx, il a relu un conte de son enfance, Riquet à la houppe de Charles Perrault, et a été choqué par la fin réservée à un des personnages. La fille intelligente, mais pas très belle, a droit à un dénouement plutôt triste. Fâché, il décide de se réapproprier le conte, le fameux personnage féminin prendra d’ailleurs les traits de Léda dans Éric n’est pas beau, et de suivre une voie qui deviendra la caractéristique principale de son travail: la célébration de la différence. "Au fond de nous, tout le monde se sent unique. Cette pulsion de différence parfois nous écrase, parfois nous sert de tremplin", précise-t-il.
Dans Éric n’est pas beau, il interroge le rapport à la beauté. Depuis sa naissance, Éric se fait dire qu’il n’est pas beau. Une fée lui donne la possibilité de le devenir, mais à certaines conditions. À travers des thèmes tels que l’apparence physique et le regard des autres, l’auteur s’adresse avec humour et finesse aux enfants de 9 à 12 ans. "Pile poil dans les années où ça chambarde le plus!" se plaît-il à dire. La beauté, par le fait même la laideur, entre directement dans la thématique beaucoup plus large qu’est l’estime de soi. "Si tu te sens laid, ça peut ruiner ton enfance." Amoureux infatigable de la différence, Simon Boulerice voulait transmettre cette valeur à une plus jeune génération. "Enfant, j’aurais aimé entendre ce texte-là. C’est peut-être pour ça que je l’ai écrit." Les jeunes auxquels s’adresse la pièce entrent dans une période de changements et ainsi de questionnements. Il est important, selon l’auteur, de les encourager dans leur unicité. "Ce qui nous distingue fait notre force. C’est ce qu’il y a de plus universel."
Avant de terminer la conversation, nous lui proposons de conclure lui-même sur sa pièce en quelques mots. Il hésite longuement, un peu embêté, surtout par le fait d’être concis! Doucement, sur un ton légèrement pensif, il dit: "Je pense que la pièce donne envie de rester soi-même."