Premier Amour : Brève scène 2010-11-18
Scène

Premier Amour : Brève scène 2010-11-18

Un mois seulement après le passage de Sami Frey entre les murs de l’Usine C, à l’occasion du Festival international de la littérature, le comédien Roch Aubert se mesure à son tour au Premier Amour de Samuel Beckett, un récit écrit dans les années 40, à la première personne et en français, une petite perle de monologue, à ce qu’on dit autobiographique. Le spectacle, avec lequel Jean-Marie Papapietro célèbre les dix ans du Théâtre de Fortune, est moins exigeant que celui de Frey, il est moins singulier, moins austère, moins étrange et moins grave. Ce n’est pas vraiment un reproche, pas plus qu’un compliment. Disons que les deux lectures se peuvent, se tiennent. Le personnage solidement dessiné par Aubert est aussi odieux, aussi misogyne et sans coeur, mais il lui arrive aussi d’être attachant, peut-être un peu plus d’ailleurs que celui incarné par son alter ego français. Mais cessons les comparaisons pour dire la beauté de cette partition, sa truculence, la manière unique dont elle cerne les grandeurs et les petitesses de l’homme, son inaptitude à composer avec la vie, l’amour et la mort. "… qu’est-ce que cela peut faire qu’un cri soit faible ou fort? Ce qu’il faut, c’est qu’il s’arrête. Pendant des années, j’ai cru qu’ils allaient s’arrêter. Maintenant, je ne le crois plus. Il m’aurait fallu d’autres amours, peut-être. Mais l’amour, cela ce ne se commande pas." Dans la mise en scène de Papapietro, sobre mais efficace, l’homme qui se trouve sur scène pourrait bien être l’auteur, en quête du mot juste, de l’expression qui convienne. Les éclairages sont du plus bel effet. Les projecteurs créent des halos et des ampoules fixées au sol s’allument et s’éteignent doucement, comme s’il s’agissait des neurones de l’écrivain.