Alexis Martin : Microclimats
Scène

Alexis Martin : Microclimats

Le Nouveau Théâtre Expérimental fait appel à Simon Boulerice, Catherine Vidal, Gary Boudreault, Francine Alepin et Stéphane Demers. Un titre: Naissances. Un concept: le micro-théâtre. Entrevue en mode miniature avec l’un des deux directeurs artistiques du spectacle, Alexis Martin.

Voir: Quand l’industrie culturelle ne valorise que le spectaculaire et le grandiose, travailler une forme miniature est-il un pied de nez, une révolte?

Alexis Martin: "Peut-être. C’est une forme de résistance, on avait envie d’aller à contre-courant des Ice Capades, de voir des spectateurs s’approcher physiquement de l’artiste."

Le miniature installe-t-il vraiment une relation plus intime avec le spectateur ou ne favorise-t-il pas une distance, un éloignement, une impossibilité d’identification?

"Je pense que ça appelle une autre relation avec le spectateur, une autre écoute. Les spectateurs seront divisés en groupes de 20, les cinq univers sont très différents. L’artiste sera là avec son corps seulement, comme du théâtre de bonimenteur. L’idée, c’est que ce soit minimal, que les objets utilisés soient miniatures s’il le faut, que le langage travaille dans le minimal aussi, que la gestuelle soit microscopique, que la durée de chaque numéro soit courte. On est obligés de scruter davantage une forme miniature, on doit se coller à l’acteur, presque se plonger dans le corps et la parole de l’autre."

Faire du miniature, est-ce une manière de dire que l’art, la pensée et le théâtre n’occupent plus qu’une minuscule place dans notre société?

"Peut-être (rires)! C’est intéressant de le voir comme ça. On n’est certainement pas dans une société qui privilégie des formes d’art minimalistes, ni dans une société du dépouillement, à l’heure ou nous sommes tous sur-stimulés par les écrans, le web, les images. Mais ce qui est certain, c’est que le minimalisme, pour moi, magnifie la pensée. Le dénuement laisse toute la place au propos, à la réflexion, à la parole."

Bernard Werber voyait dans le comportement des fourmis un reflet de la société humaine. Le miniature nous permet-il de prendre conscience de nos comportements collectifs?

"Francine Alepin travaille justement dans cet esprit-là. Elle s’est créé un personnage de déesse-mère qui joue avec les hommes comme avec des figurines. Sous son joug, les hommes sont détruits, emportés, mangés, ils s’aiment ou se détruisent. Ça permet une réflexion très libre sur les forces qui nous animent et nous contrôlent. Catherine Vidal, inspirée par l’artiste visuel Joseph Cornell, a créé des mondes miniatures dans des boîtes, comme si tout l’univers pouvait s’observer par le trou d’une petite boîte."

Question polémique: les minuscules subventions du gouvernement condamnent-elles les artistes à miniaturiser le théâtre?

"Le pire, c’est qu’on n’arrive pas à payer l’humain aussi cher et aussi longtemps que nécessaire, on n’arrive pas à prendre le temps qu’il faut pour créer. Au NTE, on a graduellement réduit le nombre de spectacles qu’on fait dans une année pour pouvoir travailler en profondeur et payer nos gens convenablement. Mais je suis surtout inquiet pour les plus jeunes compagnies; leurs enveloppes sont vraiment minimes…"