On sait depuis 1996, alors que Claude Poissant dirigeait "Art" entre les murs du Rideau Vert, que Yasmina Reza carbure à l’humour noir, au sarcasme, à la critique sociale virulente, aux répliques assassines et aux joutes verbales explosives. On peut maintenant affirmer qu’au fil des ans la dramaturge et romancière française a non seulement persévéré, mais qu’elle a considérablement affûté ses armes. Le Dieu du carnage, sa plus récente pièce, célébrée de par le monde, est une vraie bombe. Réunis dans un espoir de conciliation, à la suite d’une bagarre entre leurs fils, les Houllié et les Reille, des gens bien moins civilisés qu’il n’y paraît, s’engagent sous nos yeux dans une spectaculaire descente aux enfers. À vrai dire, leur animalité, leur violence et leur cruauté, autrement dit leurs instincts les plus viscéraux, ne demandent qu’à jaillir. Héritière d’Edward Albee et Harold Pinter, Reza critique la classe bourgeoise sur son propre terrain, avec les armes du drame bourgeois, en faisant ramper ses personnages dans les coulisses poisseuses du vaudeville. Dotée d’un sens de l’observation inouï, l’auteure explore une multitude de sujets avec une adresse époustouflante, passe au tordeur le couple, la politique, l’art, l’argent et l’éducation. Les comédiens choisis ont le profil de l’emploi. Anne-Marie Cadieux et James Hyndman sont truculents, terribles. Guy Nadon et Christiane Pasquier, au sommet de leur art, sont plus diaboliques encore. Bien que Lorraine Pintal ait orchestré un spectacle jouissif, éminemment cathartique, on ne peut s’empêcher de penser que la mise en scène épouse un peu trop le comique de la partition et pas suffisamment l’horreur qu’elle renferme. Jusqu’au 11 décembre, au TNM. Billetterie: 514 866-8668.