L’adolescence est un vrai bordel. Benoît Vermeulen, directeur artistique et metteur en scène attitré du Théâtre Le Clou, le sait très bien. Mais ce qu’il sait davantage, c’est que le bordel adolescent n’est pas qu’identitaire ou amoureux, comme voudraient bien le croire tous les nostalgiques de leurs premiers émois sentimentaux. Non, ce somptueux bordel est aussi idéologique, intellectuel, artistique, philosophique et métaphysique. N’y a-t-il rien de plus beau que d’assister à la naissance d’une idée, puis à sa remise en question selon une logique étonnante, ou à son remuement et son étirement dans tous les sens possibles? Éclats et autres libertés, spectacle hybride dont les textes sont signés Étienne Lepage, Marie-Josée Bastien, Jean-Frédéric Messier et Mathieu Gosselin, est fait de cette matière malléable. Les quatre attachants ados qu’on y croise dans un galimatias d’objets réinventés sont là pour affirmer leur résistance au conformisme et à la pensée unique, mais surtout pour explorer le vertige de la pensée. Ils sont hésitants malgré leur assurance, déroutés de leurs propres perspectives, mais c’est justement là que se trouve l’intelligence de cette pièce qui aurait autrement sombré dans le prêchi-prêcha. La réflexion et l’engagement ne sont que des variantes du doute, et cette pièce en forme de fouillis l’expose sans toutefois craindre de prendre position contre l’anti-intellectualisme. Entre conviction et autodérision, les quatre comédiens (Ève Landry, Kim Lavack-Paquin, Philippe Racine et Ève Duranceau) évoquent un monde de possibles et d’idées inspirantes.