Fred Pellerin : Le ciel peut attendre
Scène

Fred Pellerin : Le ciel peut attendre

Fred Pellerin trimballe L’Arracheuse de temps ici et en Europe depuis 2008. Dernière chance de voir à Québec ce spectacle bien vivant sur la mort, qui en est à sa phase terminale.

Le conteur Fred Pellerin n’a plus besoin de présentation, pas plus d’ailleurs que Saint-Élie-de-Caxton, son village natal de la Mauricie, rivalisant désormais de popularité avec celui d’Astérix. En fait, compte tenu du succès qu’il connaît depuis une dizaine d’années (spectacles et livres-CD Dans mon village, il y a Belle Lurette, Il faut prendre le taureau par les contes, Comme une odeur de muscles, film Babine, disque Silence), il pourrait aisément devenir un de ses propres personnages.

Pourquoi pas le pendant masculin de la "stroop", la sorcière qui se trouve au coeur de L’Arracheuse de temps? Il serait le magicien du conte, enchantant le monde avec ses histoires et son bagou irrésistibles. Mais comme "il faut être posthume pour être légendifié", il préfère passer son tour. D’autant qu’il n’est pas du tout du genre à jouer les vedettes.

Revenons-en donc à la "stroop", un personnage qui, comme tous les autres, dérive d’une personne réelle ainsi que de rumeurs et d’anecdotes ayant fait boule de neige. "Elle a commencé à être intéressante dans Comme une odeur de muscles. Plus ça allait, plus elle prenait de la place et du relief, observe-t-il. C’est la bonne femme étrangère, qui avait certains pouvoirs, comme celui de tomber enceinte toute seule, d’elle-même. Elle a vécu à Saint-Élie pas très longtemps et a laissé du mystère assez trippant à travailler parce qu’il y a place à l’invention."

Parmi la douzaine d’histoires qu’il a pu débusquer à son sujet, il a décidé de se concentrer sur les cinq qui exploraient le thème de la mort. Car la sorcière était apparemment capable d’empêcher les gens de trépasser, d’arracher du temps à la Grande Faucheuse, d’où son surnom d’"arracheuse de temps". "Je venais de perdre mon père quand je construisais ce show-là, raconte-t-il. J’étais en deuil et ça s’est "pitché" là-dedans. Il n’y a tellement rien à dire devant la mort, c’est comme si les histoires étaient la seule façon de mettre des mots là-dessus."

Mais attention, L’Arracheuse de temps n’a rien de funèbre. "On rit, ça ne fait pas mal, poursuit-il. Ça reste du gros délire langagier et de l’impro." À ce propos, il remarque que, depuis le début, le spectacle s’est beaucoup développé sur le plan du "jazz verbal". À force de le présenter, notamment en Europe, "il est rendu à un niveau l’fun là-dedans", commente-t-il.

Ainsi, il a beau parler de la mort, le conteur veille constamment à garder sa prestation bien vivante, spontanée, vulnérable. "À la longue, il y a des affaires qui figent. Alors, je m’enfarge pour sortir de ma trail, je rajoute des nouvelles conneries, confie-t-il. Chaque soir a une couleur et une saveur particulières." Par exemple, la semaine dernière, une dame au rire de vélo qui grince l’a amené à inclure "un bicycle à pédales" dans son histoire. "On le voyait dans notre tête en l’entendant. Elle est devenue le bruiteur du spectacle", illustre-t-il avec espièglerie. Autant dire que L’Arracheuse de temps mourra en pleine santé.