Revue 2010 / Théâtre : Une grande cuvée
Scène

Revue 2010 / Théâtre : Une grande cuvée

Côté théâtre, l’année 2010 s’avère particulièrement faste. Plus de 30 spectacles, sans compter les pièces du Carrefour. Mots clés: variété, vitalité, beauté.

Toute l’année, de grands auteurs se sont côtoyés sur nos scènes: de Molière à Tremblay, en passant par Dumas, Tchekhov, Pirandello, Camus, Ducharme, les théâtres de la ville ont offert nombre de grands textes, ravivés par des lectures sensibles, inventives, parfois même radicales. On s’en réjouit.

À l’autre bout du spectre, multitude de créations où se rencontrent imagination et audace, rigueur et ferveur. Si Québec a toujours été riche en théâtre de création, on sent cette année, en plus, le souffle du programme Première Ovation qui donne aux jeunes artistes – dont Édith Patenaude, Olivier Lépine, Steve Gagnon, s’affirmant particulièrement ces temps-ci – les moyens de leur talent.

À l’occasion d’anniversaires ou de tournées, nombreuses reprises, également: un Charbonneau et le chef, pièce "fondatrice" du Trident, qui fête ses 40 ans, très imagé dans la mise en scène de Jean-Philippe Joubert, et un bref passage des Trois sours, vibrante production de 2002 portant la griffe de Wajdi Mouawad. À la Bordée, pour l’anniversaire du Niveau Parking, un rigolo et toujours actuel Sofa dans le jardin; et au Périscope, arrêt d’une grande pièce, largement présentée en tournée: l’essentiel Bruit des os qui craquent, de Suzanne Lebeau.

Enfin, riche année également pour le Carrefour, qui récolte les fruits de sa patience et de son imposant travail: élargissement du public, prix, et spectacles toujours comme de lumineuses fenêtres ouvertes sur le monde.

Difficile, dans ce foisonnement, de choisir cinq – seulement cinq – favoris…

1. TRAGEDIES ROMAINES

Parmi tous les spectacles de l’année, Tragédies romaines, présenté par le Toneelgroep Amsterdam au Carrefour, se place dans une classe à part. Époustouflant: six heures de théâtre en continu, trois tragédies de Shakespeare, présentées dans l’ici, maintenant, à grand renfort de technologie. Un spectacle au souffle puissant, alliant à la force des textes la brillante audace du metteur en scène Ivo van Hove, la fougue et la créativité de 42 artistes et techniciens, dont 15 comédiens extraordinaires. Une ouvre magistrale, une expérience intense et unique dans la vie de tout amateur de théâtre.

2. LA ROBE DE GULNARA

Deuxième place: La robe de Gulnara, récipiendaire du Prix de l’AQCT 2009-2010. À travers une histoire aussi simple que touchante, ce texte d’Isabelle Hubert, mis en scène par Jean-Sébastien Ouellette, raconte la misère et les espoirs de tous les déportés. On garde en mémoire la mise en scène fine et sensible, aussi efficace que poétique, le drame poignant, à dimension universelle.

3. VERTIGES

Vient ensuite Vertiges, production de Tectonik_. Bien qu’inégal, ce spectacle choral, création de 22 artistes, dont 16 en scène, présentait avec conviction les angoisses et les espoirs d’une génération, entre lyrisme et ironie, rage et tendresse. On en retient l’énergie bouillonnante, l’engagement frémissant, et plusieurs véritables moments de grâce.

4. CABARET GAINSBOURG

Puis, c’est Cabaret Gainsbourg, production de Pupulus Mordicus mise en scène par Martin Genest: pour sa fantaisie jubilatoire, son traitement piquant des chansons de Gainsbourg à travers musique, arts visuels, interprétation et intervention des délinquantes marionnettes. Un spectacle délicieux, mariant poésie, sensualité et humour décalé, collant parfaitement avec l’univers de ce créateur iconoclaste.

5. BARBE BLEUE

Enfin, Barbe bleue, création des Écornifleuses, texte d’Édith Patenaude et mise en scène d’Olivier Lépine. Excellente surprise que ce spectacle frappant par son suspense inquiétant, présentant par strates une histoire troublante, en un casse-tête ingénieux à reconstruire, le tout servi par une solide distribution, une mise en scène précise, et une conception à l’esthétique à la fois glauque et mystérieuse.

À suivre, en 2011!