Fleur de rue : Des fleurs sur l’asphalte
À toute culture qui se respecte est associée une contre-culture. Si celle d’aujourd’hui nous propose des vedettes instantanées, ceux qui vont à contre-courant n’ont que l’option de prendre leur temps. Les cabarets Fleur de rue offrent de la poésie appliquée, à la manière artisanale.
"La culture, c’est souvent un paquet d’idées reçues, lance d’entrée de jeu Jonathan Beaudoin, instigateur des cabarets Fleur de rue. C’est un moule bien défini, qu’il soit de gauche ou de droite. La contre-culture, c’est seulement la volonté de ne pas se laisser "encarcaner"."
Il y a ceux qui courent en vain après leurs 15 minutes de gloire. Il y a ceux qui courent les concours pour briller l’instant d’une publication. Et il y a ceux qui courent le risque de s’exprimer librement, humblement, sans chercher à briller. "Ils émergent, comme quelque chose de naturel qui vient percer l’environnement urbain, comme une plante qui perce l’asphalte", dit Jonathan Beaudoin. Il invite les gens à faire parvenir leurs créations, à venir sentir au deuxième étage de La Tour à bières le lundi soir, juste pour voir comment ça se passe. "Je veux que les gens s’approprient l’événement, l’espace. Je trouve beaucoup plus intéressant d’entendre, de voir quelqu’un me lire une citation qu’il a trouvée dans un bouquin dans la journée, que de voir la même citation écrite sur Facebook. Il faut que les gens sortent de chez eux, de leur télévision, de leur univers Web 2.0, pour s’unir et agir. Rien ne vaut l’expérience humaine, celle de parler et d’être entendu."
Une fois par mois, un fanzine est publié, suivi d’un lancement. Librement inspirée de Steak haché, un fanzine montréalais publié entre 1999 et 2005, la maquette est montée à la main. Tout est fait de manière artisanale. Car dans l’artisanat, il y a la notion de travail. Et derrière la manutention ouvragée qui donne le jour mensuellement à 200 exemplaires du fanzine peu commun, vit une volonté toute simple mais terriblement vaste de prendre la parole sur la place publique. Pas de révolution en vue. Simplement, un espace de création libre, où l’on célèbre la poésie. Lectures de textes, composés ou d’auteurs, de la musique, de la peinture en direct. Le principe est simple: c’est ouvert à tous, sans exception. "C’est un moment de partage libre et sans contraintes. Certains vont lire des textes, certains ne sont là que pour écouter. C’est avant tout un moment d’échange, où l’on s’approprie la place publique, la vraie place publique, librement et sans jugement. C’est une célébration de la création. Il y a un ras-le-bol de l’élite, de l’art difficile d’accès. Ici, les gens qui n’ont pas de tribune s’en donnent une."
Le mot poésie, véritablement galvaudé de nos jours, vient du grec poiein, qui signifie "faire, créer". Parce qu’on associe inévitablement la poésie à un genre littéraire, souvent même à une époque, on oublie que la poésie est plurielle, et peut se transposer dans chaque action humaine. Poésie devrait être verbe. Au pluriel.
À voir si vous aimez /
La poésie et les lectures publiques