Sylvain Bélanger : Rentrée des classes
Scène

Sylvain Bélanger : Rentrée des classes

Avec Les Mutants, pièce produite par le Théâtre de la Banquette arrière, le metteur en scène Sylvain Bélanger souhaite placer la société québécoise devant un miroir.

Le metteur en scène Sylvain Bélanger et la comédienne Sophie Cadieux se connaissent bien; ils nous ont offert Cette fille-là, un monologue poignant qui a connu un succès mérité à travers tout le Québec. Pas étonnant que le directeur artistique de La Licorne, Denis Bernard, ait eu l’idée de les faire travailler ensemble lors de la Dizaine des auteurs, fin 2009. Déjà titrée Les Mutants, la première mouture a beaucoup évolué, mais a conservé son caractère résolument festif.

Bélanger se rappelle: "Lorsque Sophie m’avait soumis l’idée de créer une sorte de pyjama party théâtral, je m’étais soudain senti vieux et ça m’avait donné envie d’explorer ce sentiment: qu’est-ce qu’être vieux dans une société qui valorise la jeunesse?" Ceux qui connaissent Bélanger se douteront qu’il ne s’est pas arrêté là, mais a étendu sa réflexion aux sphères politique et sociale, se demandant si la société québécoise est "aussi jeune et progressiste qu’elle le dit".

Le 50e anniversaire de la Révolution tranquille a donné aux acolytes matière à réflexion, mais ils ont voulu remonter plus loin. "Tout ce qui forme le tissu social actuel, nos idées préconçues sur la politique, les clichés véhiculés par les médias sur la société québécoise, a des racines, explique Bélanger. On a voulu regarder d’où l’on vient pour comprendre où l’on va." Pour s’orienter, les deux créateurs ont fait appel à René-Daniel Dubois, dont on connaît l’érudition, et qui leur a épargné, selon Bélanger, "sept ans de recherches".

N’empêche que les deux compères ont tout de même passé de longues heures à fouiller dans les Archives nationales et y ont fait des trouvailles. On découvrira ainsi des extraits de films et de discours fort révélateurs de notre société, notamment celui de Télesphore-Damien Bouchard prononcé devant l’Institut démocratique canadien en 1943 – dont, avouons-le, personne ne se souvient. Ces morceaux d’histoire s’intercalent entre des souvenirs sortis de la tête des comédiens – outre Cadieux et Bélanger, Amélie Bonenfant, Rose-Maïté Erkoreka, Mathieu Gosselin, Renaud Lacelle-Bourdon, Anne-Marie Levasseur, Éric Paulhus et Simon Rousseau.

"La Banquette arrière est une troupe comme il y en a peu, explique le metteur en scène, et je voulais mettre les personnalités des interprètes à l’avant-plan. Il y a une courbe émotive dans le spectacle, on s’attache aux personnages." Pour donner une structure à ce qui risquait de ressembler à un patchwork, Bélanger et Cadieux ont imaginé une salle de classe avec des trentenaires dans des uniformes d’écoliers trop petits. "C’est un costume dont ils n’arrivent pas à se débarrasser car il y a quelque chose de non réglé dans leur histoire, à l’image de la Révolution tranquille, qui est inachevée. Grâce à 25 exercices – 25 examens de conscience – proposés par leur instituteur, ils vont se poser des questions et vieillir, parfois d’un coup."

Si le propos est profond, la forme est éclatée, performative, avec des vidéos, de la musique, des chorégraphies, etc., une première pour le metteur en scène. "La forme permet de ne pas alourdir le propos politique et les spectateurs peuvent se faire leur propre opinion. Nous souhaitons susciter une curiosité pour notre histoire."