Marc Doré / Catherine Dorion / Nicola-Frank Vachon : Chargement explosif
Marc Doré a réitéré l’expérience de Quand le sage pointe la lune… en dirigeant Catherine Dorion et Nicola-Frank Vachon dans Kukipik Doikipu, un autre show clownesque très actuel.
En 2006, Le Soucide collectif jetait un regard allumé et mordant sur notre société dans Quand le sage pointe la lune, le fou regarde le doigt, un spectacle clownesque éclaté, dont les numéros ludico-trash tiraient dans toutes les directions. Kukipik Doikipu s’inscrit dans la même lignée, tant sur le plan du propos que de la forme. À ceci près que deux musiciens, Mathieu Campagna et Philip Larouche, ont joint l’équipe de créateurs-interprètes.
Sinon, cette nouvelle création est également née d’improvisations dirigées par Marc Doré, ancien professeur de Nicola-Frank Vachon et Catherine Dorion au Conservatoire. Tandis que son titre a, encore une fois, été choisi arbitrairement à l’époque des demandes de subventions. N’empêche, même s’il ne réfère ni à un thème, ni à une histoire (puisqu’il n’y en a pas), il exprime de manière pour le moins imagée le caractère subversif et fantaisiste du projet.
"Il y a des atomes crochus entre Nicola et Catherine, qui donnent de bons résultats théâtralement. J’aime bien mettre ça en évidence quand je travaille avec eux. Ce sont des comédiens inspirants, très inventifs, commente le metteur en scène. Le clown de théâtre laisse une énorme liberté. Il permet d’explorer toutes les possibilités de l’acteur, de jouer sur différents tons."
En ressort un "autre théâtre", à mille lieues du jeu psychologique. On y multiplie les situations à un rythme fulgurant, ce qui rend également compte "du désordre du monde constamment soumis au zapping dans lequel on évolue aujourd’hui". "Notre intention est de suivre ces changements ultra-rapides. Cette approche demande une grande attention de la part du spectateur. Mais on vit comme ça", poursuit-il.
Le parallèle avec notre société ne s’arrête pas là. Le décor, aux allures de "lendemain de la veille, un peu destroy, avec des débris", peut évoquer tant les apocalypses qui se produisent régulièrement aux quatre coins de notre planète globalisée que ce qui nous attend si nous poursuivons sur notre lancée.
Là, se trouvent un gars, une fille, deux "clowns électroniques très branchés" porteurs d’un questionnement sur ce mode de vie. "Kukipik Doikipu parle de ce qui nous agace, de ce qu’on aime, de ce qui nous désole, de ce qui nous rend solitaires et solidaires, indique-t-il. Des amours à court terme de la génération des 25 à 35 ans, de terrorisme, aussi, de la difficulté d’avoir une voix. Parce que j’ai beau parler dans mon ordi, s’il y a tout le monde au bout de ma parole, il n’y a personne. Alors, la violence peut montrer les dents."
Témoin de l’émergence de cette création, Marc Doré a été particulièrement frappé par la lucidité de ces artistes par rapport à leur époque. "Ils ont un sens de la poésie qui n’est pas cucul et un bon sens de la dérision, ajoute-t-il. C’est direct. Un théâtre d’action, qui bouge. Joyeux, festif. Et puis, on se défoule en bande. Ça fait du bien de mettre des mots sur les choses." Bref, parions que, comme pour Quand le sage pointe la lune…, certains ressentiront le besoin de voir plus d’une fois ce spectacle qui s’annonce, là encore, touffu, dense et débridé.