Michel Lemieux et Victor Pilon : Parler d’amour
Six ans après La tempête, Michel Lemieux et Victor Pilon sont de retour au Théâtre du Nouveau Monde avec leur relecture de La Belle et la Bête.
Beaucoup les considèrent comme des magiciens et il est vrai qu’ils ont le don de nous émerveiller en alliant, comme nuls autres, la technologie de l’image et le théâtre, faisant interagir les acteurs avec les projections. Ce n’est pas pour rien que les créations de 4D Art sont présentées aussi bien aux États-Unis qu’en Europe ou en Corée.
Sur une suggestion de Lorraine Pintal, directrice artistique du TNM, Michel Lemieux et Victor Pilon, deux complices de très longue date, se sont mis en tête d’adapter à leur sauce l’histoire que l’on raconte à tous les enfants, dont Walt Disney tout autant que Jean Cocteau se sont emparés: La Belle et la Bête. "Qu’est-ce que la beauté, la laideur? Sommes-nous capables de dépasser les apparences, de ne pas rester en surface? Sur quelle base construit-on nos relations? Les thèmes abordés dans cette histoire ont une résonance dans nos vies, une actualité", explique Lemieux.
Il ne sera toutefois pas question ici de sort jeté par une fée ni de château enchanté. "On a fait notre propre adaptation, en développant une histoire contemporaine avec l’auteur Pierre-Yves Lemieux", précise Pilon. Ainsi, la Belle, si elle est toujours la fille d’un marchand, est une femme émancipée, une artiste peintre qui fait le deuil de sa mère à travers sa création. La Bête est un homme qui vit reclus, inconsolable depuis la mort de sa femme, et qui s’est lui-même défiguré. Leur rencontre fera naître l’amour. "Il y a du romantisme dans cette histoire, admet volontiers Lemieux, mais on a essayé d’éviter la mièvrerie, d’explorer la noblesse des sentiments et des émotions sans être sirupeux." "C’est important de parler d’amour dans un monde où le cynisme est si présent!" renchérit Pilon.
Les "fabricants d’images" – comme ils se décrivent eux-mêmes – le répètent: ils refusent que la technologie soit "plaquée", ils veulent plutôt qu’elle "émerge des performeurs et du récit". Ils ne font pas de la juxtaposition de médias, mais de la "multiplication". "On dissimule les machines, explique Lemieux, car ce qui nous intéresse, c’est ce que le spectateur reçoit. On veut montrer les émotions. On ne renie pas le théâtre, au contraire: l’acteur qui interagit avec un personnage virtuel doit lui insuffler de sa présence, de son âme."
Autant dire que les créateurs doivent s’entourer d’interprètes solides. Bénédicte Décary, François Papineau, Andrée Lachapelle seront sur scène en chair et en os, alors que Violette Chauveau et Peter James le seront virtuellement. "Ce sont tous des artistes complets, des créateurs", admire Pilon. "Et des gens qui aiment les défis, renchérit Lemieux. Travailler avec le virtuel, invisible pour eux, demande une grande confiance."
Les créations de Lemieux et Pilon ont cette particularité de faire sortir les projections du cadre de l’écran. "En plus des personnages virtuels, il y a toute une scénographie virtuelle projetée sur des panneaux de papier modulables, indique Lemieux. Ici, on va même sortir de la scène et s’étendre sur les murs de la salle." Finalement, leur objectif, c’est de nous enchanter. Comme l’explique Lemieux: "Si on arrive à provoquer ne serait-ce que 10 secondes d’émerveillement chez le spectateur, on peut le toucher. Nous avons le désir de transcender la réalité pour la regarder autrement."