Manon Oligny : Grotesque et sublime
Scène

Manon Oligny : Grotesque et sublime

Manon Oligny pousse à l’extrême sa réflexion sur le féminin dans deux oeuvres en totale opposition: Icônes, À VENDRE, présentée à la SAT et Tartare, au Théâtre La Chapelle.

S’il fallait parler du travail de Manon Oligny en utilisant un seul mot, ce pourrait être "féminin". Inlassablement, elle en explore la puissance et les failles dans des oeuvres physiques qui interrogent le statut de la femme et son objetisation. Jamais manichéenne, sa vision met en scène les contradictions issues du choc entre nature et culture.

Nouvelle coproduction de Danse-Cité, Icônes, À VENDRE devait prolonger la fructueuse collaboration engagée à ce propos avec l’auteure Nelly Arcan dans L’écurie. "On voulait faire sortir les femmes de leur carcan. Ça devait être une libération. Pour Nelly, ça a été le suicide, et moi je suis restée avec ce projet. C’était impossible de ne pas le faire. Je l’ai dans le ventre." Après toutes sortes d’embûches, l’oeuvre voit finalement le jour sous la forme d’un catalogue qui positionne le spectateur en acheteur potentiel.

"J’entremêle des solos d’icônes présentés comme des offrandes", commente Oligny qui a sous-titré son oeuvre d’une phrase de la Bible: "Ceci est mon corps, livré pour vous." "Les trois danseuses sont hyper généreuses, leur interprétation est sérieuse, très sincère, ce qui a pour effet de sacraliser la danse. Le catalogue IKEA, lui, désacralise le spectacle et ouvre un regard critique sur la marchandisation du corps et de l’art."

Magnifiées dans les alcôves de bois où elles sont exposées, les icônes mettent leur âme à nu dans leurs danses et c’est sans doute dans ce don de soi que réside leur libération. Le désespoir qui se dégage cependant de cette épreuve identitaire transpire d’une tout autre façon dans Tartare, commande de Mandala Sitù. Dans la nouvelle création de cette compagnie que dirige la danseuse Marie-Gabrielle Ménard et qui a fait sa marque avec le sulfureux Warning de Dave St-Pierre, les interprètes-créatrices sont des espèces de prédatrices prisonnières des carcans de la féminité.

"Tartare signifiant les zones plus basses que l’enfer, c’est une pièce très physique où je travaille sur les bas-fonds, le chaos. J’ai combiné les aspects animal et sportif que j’ai déjà beaucoup travaillés et les ai poussés plus loin dans la dérision et l’absurde. Je ne peux pas dire ce qui est sur le plancher, mais c’est assez impressionnant dans le côté bas-fonds. Et j’ai descendu la scène pour mettre les danseuses dans une arène noire où elles se démènent comme pas permis dans une quête totalement vaine."