Monia Chokri : La vie est belle
Scène

Monia Chokri : La vie est belle

L’actrice Monia Chokri a été intimement touchée par le texte Je voudrais (pas) crever de Marc-Antoine Cyr. Le fait de le jouer avec des amis n’a fait qu’accroître l’émotion.

Elle interprétait Marie, l’héroïne des Amours imaginaires de Xavier Dolan. Mais Monia Chokri n’a rien à voir avec cette fille vintage plutôt hautaine. Au contraire, elle apparaît d’une aisance sans prétention, posée, réfléchie lors de notre rencontre au Périscope, où elle s’apprête à jouer dans la pièce Je voudrais (pas) crever de Marc-Antoine Cyr, mise en scène par Reynald Robinson.

Entre le repassage des costumes et l’installation du décor – force est de mettre la main à la pâte quand on a sa propre compagnie -, elle se réjouit d’abord de reprendre à Québec, sa ville natale, ce spectacle créé dans la métropole en 2009 par le Théâtre DuBunker. Qui plus est, dans une salle qu’elle fréquentait adolescente, "un théâtre qui m’a donné envie de faire du théâtre", indique-t-elle.

"Je voudrais (pas) crever porte, non pas sur la mort, mais sur la vie", lance-t-elle d’entrée de jeu. De la même manière que le poème de Boris Vian du même titre, qui s’affirme comme une célébration de l’existence, la pièce mène finalement au constat que "malgré tout, la vie est belle, résume-t-elle. Ça parle aussi de la nouvelle famille, celle qu’on choisit, les amis. Un sujet qui me touche beaucoup".

Ici, une bande de copains approchant la trentaine doit faire face au décès imminent d’un des siens, avec le genre d’introspection que cela suppose. L’éternelle étudiante cessera-t-elle de fuir dans le voyage? Le gars en peine d’amour arrivera-t-il à combler son vide existentiel? Le couple conventionnel cherchera-t-il autre chose qu’un bonheur préfabriqué? Bref, il est également question du "deuil de la vingtaine, de la fin de la jeunesse et du début des responsabilités", observe la comédienne, qui en est elle-même à négocier ce tournant majeur.

FORCES VITALES

Déjà que Monia se sentait profondément interpellée par ce propos, le fait de jouer avec ses propres amis rend l’expérience encore plus bouleversante. Par exemple, elle confie que, quand son personnage fait savoir au mourant qu’elle sera là pour abréger ses souffrances s’il le désire, "c’est moi aussi qui le dis à Hubert [Lemire], c’est son regard que je vois. Donc, ça me remue énormément. Je pense que cette réelle complicité transparaît dans notre jeu. On se connaît tellement, on est comme des frères et soeurs".

Outre cette précieuse chimie, une autre particularité du Théâtre DuBunker consiste à proposer "un univers qui extrapole le texte". Reynald Robinson a ainsi imaginé des scènes où on peut voir des personnages absents de la pièce, soit le père du malade, qui joue du piano, et l’amante du père, qui chante.

Car la compagnie privilégie la musique live pour ses spectacles. Cela, de même que d’imposantes distributions. "On mise sur la force du nombre, poursuit-elle. On tient à faire ce type de théâtre parce que le résultat est vraiment frappant. Ça a toujours été notre point fort. Avec notre complicité, il s’en dégage une énergie vibrante."

VIE MOUVEMENTEE

Le moyen qu’ils ont trouvé pour évoquer "le passage de la vie, les souvenirs, les deuils, le rêve" participe également, par sa poésie, au caractère saisissant de l’ensemble. "Reynald désirait une scéno qui bouge. Il disait: "J’aimerais que les meubles passent." À un moment donné, on a eu l’idée de tout mettre sur roulettes, comme si ça flottait, raconte-t-elle. Tout est en mouvement dans cette pièce, qui devient un salon, une chambre d’hôpital, etc."

Ce flot visuel s’accompagne par ailleurs de puissants courants de paroles et d’émotions. En effet, Monia compare cette pièce à du David Mamet (Glengarry Glen Ross), avec son caractère verbeux, son apparente quotidienneté, son débit rapide. Elle note aussi: "Dans une même scène, on peut passer du rire aux éclats à la tristesse infinie. C’est le fun que Reynald ait réussi à nous amener là parce que la vie est comme ça, elle est tragicomique."

Après son passage à Québec, l’actrice aura encore de quoi voir le bon côté de l’existence, puisqu’elle continuera à faire ce qu’elle aime tant devant la caméra que sur scène, avec le début du tournage de Laurence Anyways de Xavier Dolan fin février et la création de Transmissions de Justin Laramée en mars.

Malgré son succès à l’écran, le théâtre demeure pour elle un incontournable. "Je pense qu’il me permet de créer des personnages plus solides au cinéma, commente-t-elle. C’est un endroit où on peut explorer comme acteurs. Il donne de la force à notre jeu." En plus d’aider à garder les pieds sur terre, constate-t-elle, avant de retourner à sa machine à vapeur et à son tournevis…