La Belle et la Bête : L’ombre et la lumière
Véritable enchantement, La Belle et la Bête de Lemieux et Pilon épouse la richesse du conte de fées.
Pour communier aux destins des héros de La Belle et la Bête, il faut avoir une âme romantique. C’est essentiel. Primordial. Comme certains spectacles exigent une âme d’enfant, la relecture par Michel Lemieux et Victor Pilon de ce mythe qui a traversé le temps et l’espace depuis le 16e siècle demande d’être fortement disposé aux mille et un vertiges de la passion.
Certains diront que l’aventure, avec son cheval blanc, ses pétales de rose, son château de pierre et ses envolées lyriques, est prévisible, manichéenne, outrancière. Et ils n’auront pas tort. Mais il y a autre chose que des bons sentiments dans ce spectacle coproduit par le TNM et la compagnie 4D Art. Ici, l’amour est un brasier, capable de blessure et de rédemption.
Dans le texte de Pierre Yves Lemieux, on trouve la souffrance, la haine, la dérision et la cruauté. Les mots fouillent les cicatrices, prolongent cette toujours captivante polémique entourant les concepts de beau et de laid, le jeu des perceptions, en art comme dans la vie courante. Dans cette partition, subtilement contemporaine, les enjeux du conte, ceux-là mêmes qui l’ont mené jusqu’à nous, sont brillamment réactivés.
Dans la peau des deux protagonistes, apprivoisant l’ombre qui les habite, les dévore, tout en acceptant peu à peu de se laisser baigner par la lumière qu’ils avaient cessé d’espérer, François Papineau et Bénédicte Décary déploient un charme ravageur. Dans le rôle de la Dame, narratrice, fée marraine et sorcière, Andrée Lachapelle est souveraine, machiavélique.
Pour camper ce monde magique, splendide et effroyable, on ne pouvait imaginer mieux que les projections vidéo de Lemieux et Pilon. Ce n’est pas d’hier que le tandem nous fascine en cultivant l’intangible, l’évanescent et le virtuel, mais cette fois les magiciens se surpassent. Le procédé est enchanteur, plus immersif que jamais.