Projet Andromaque : Raison et sentiments
Le Projet Andromaque de Serge Denoncourt est bien loin de convaincre.
L’auteur de ces lignes commence par admettre qu’il a peu d’affinités avec la tragédie classique (par opposition à la tragédie grecque antique). Une nuit entière de Sophocle: n’importe quand! Deux heures de Racine: aïe! Le Projet Andromaque de Serge Denoncourt démarre comme une lecture publique. Assis autour de deux grandes tables jonchées de verres, pichets et livres, des comédiens aux habits sombres, à la fois chics et décontractés, lisent leurs répliques.
On se dit que le metteur en scène a pris le parti de la sobriété. On serait même prêt à le trouver audacieux si le procédé n’évoquait à ce point le Caligula (remix) de Marc Beaupré. Puis, peu à peu, l’ensemble gagne en théâtralité, en ampleur. Les comédiens quittent leurs textes pour fouler les tables, les déplacer. Dans cet espace presque vide, les quatre héros crachent leurs serments et leurs parjures, déclarent leur amour et leur soif de vengeance. Rapidement, on déplore la banale utilisation des corps, la maladresse des transitions, le manque de cohérence des choix musicaux… Pire, on finit par s’ennuyer.
En Pyrrhus, Jean-François Casabonne est ferme, crédible, c’est celui qui s’en tire le mieux. En Hermione, Anne Dorval a le vers bien en bouche, mais son jeu verse souvent dans l’excès, ce qui lui fait à plusieurs reprises prendre les inflexions de Criquette dans Le coeur a ses raisons. Faut-il préciser que cela désamorce quelque peu le tragique?
En Andromaque, Julie McClemens flirte avec la caricature, donne des arguments à ceux et celles qui associent tragédie et grandiloquence. En Oreste, François-Xavier Dufour n’est guère plus dosé. Quel paradoxe tout de même d’opter pour une mise en scène aussi sobre et de pousser les comédiens dans les clichés du jeu tragique. Bienheureux celui qui arrivera à ressentir de l’empathie pour cette galerie de personnages geignards.