Britannicus Now : Sous les jupes des filles
Scène

Britannicus Now : Sous les jupes des filles

Pour Britannicus Now, le Théâtre du Double Signe délaisse l’imaginaire et explore le quotidien parfois cruel d’un collège de jeunes filles, le temps d’une version contemporaine d’un classique de Racine.

Dans le film Black Swan de Darren Aronofsky, des danseuses vivent un drame similaire à celui du Lac des cygnes, célèbre ballet de Tchaïkovski qu’elles sont en train de monter. La pièce Britannicus Now, une mise en scène de Lilie Bergeron, suit cette même logique. Une rivalité digne de celle qui régnait entre l’empereur Néron et son demi-frère Britannicus s’installe entre Delphine (Érika Tremblay-Roy, solide dans une interprétation qui ne laisse entrevoir aucune pitié), chef autoproclamée du clan des jupes dans un collège de jeunes filles, et Britanny (Ariane Bisson McLernon, touchante et juste), adolescente exclue et sommée de porter des pantalons, alors qu’elles se préparent toutes à jouer la tragédie Britannicus de Racine.

Si l’intention de dépoussiérer ce classique afin de le faire découvrir au public adolescent est louable, la transposition de l’intrigue et des tensions ancestrales ne se fait pas sans heurts. Les discordes amoureuses et politiques font place à des "bitcheries" de corridor; édulcorés, les thèmes de Racine perdent leur sens.

Difficile de croire en la jalousie (meurtrière?) de Delphine envers Britanny, qui longe les murs sans se faire remarquer, sauf lorsqu’elle répète son rôle dans les recoins de l’école. De plus, alors que le Britannicus de Racine est fiancé à Junie (la belle pour qui Néron assassine son rival), Britanny ne recherche pas l’amitié de la nouvelle et très populaire Justine, personnage central (campé par la comédienne Marilyn Perreault, également auteure de la pièce) qui évolue dans le récit tel un cheval fou. En début de pièce, l’adolescente se revendique libre de ses choix. On comprend donc mal son silence quant aux agressions que lui fait subir le gang des Smashers, mené par Stan (Sylvain Carrier, méconnaissable en dur à cuire). Mis à part l’inévitable finale, ces viols constituent le principal drame de Britannicus Now, mais ils passent comme une lettre à la poste. Malaise.

Heureusement, l’arrimage des niveaux de langage (les alexandrins du texte original et le franc-parler des jeunes filles) est quant à lui plutôt réussi. D’ailleurs, dans le souci de respecter les "conventions" de Racine (par exemple, les personnages ne meurent jamais sur scène), plusieurs éléments de la pièce sont davantage racontés que joués. En ce sens, dommage que la parole (souvent mal amplifiée) peine à prendre son envol dans un obscur décor composé de chambranlantes structures (l’école secondaire a l’air d’un sous-sol d’usine).

Grâce à son équipe de jeu, le Théâtre du Double Signe sort indemne de cette tragédie 2.0, mais le jupon dépasse de sous les jupes des filles. Racine ne s’apprête peut-être pas à toutes les sauces…