In extremis : Absence de mobile
Scène

In extremis : Absence de mobile

Jean-Guy Legault est parvenu à éteindre la plupart des feux qui brûlaient dans In extremis, la pièce de l’États-Unien William Mastrosimone.

Comment expliquer que le metteur en scène Jean-Guy Legault se penche sur un texte comme In extremis tout en refusant d’en épouser l’horreur, le caractère subversif, profondément dérangeant? On a peine à le croire, mais la production qui tient ces jours-ci l’affiche du Rideau Vert a plus souvent qu’autrement des allures de théâtre d’été. Tout ce qui gît dans l’oeuvre de William Mastrosimone, l’angoisse, l’effroi, les rapports de pouvoir qui ne cessent de s’inverser, la manipulation constante, insoutenable, tout cela est incompréhensiblement absent du spectacle.

Un homme tente de violer une femme. Chez elle. Dans son salon. Après avoir subi maintes humiliations, la victime parvient à prendre le dessus, à immobiliser son agresseur, puis, ne contrôlant plus sa rage, elle l’asperge d’insecticide et d’ammoniac avant de lui brûler les mains avec une grille de four. Pendant que l’homme est assis dans l’âtre du foyer, retenu par une chaîne, les yeux bandés, la jeune femme, Marjolaine, se lance avec ses deux colocataires, Nicole et Catherine, la naïve et la rationnelle, dans un échange sur les failles de la loi et sur la vive tentation qu’il y a, dans ce genre de situation, de se faire justice soi-même.

L’air de rien, de sérieuses questions d’éthique, aussi cruciales aujourd’hui qu’à la création de la pièce dans les années 80, sont soulevées par les dialogues. Des enjeux de société que la mise en scène, alourdie de tics cinématographiques, ne met pas en relief, en plus d’échouer à procurer au spectateur quelque sentiment d’étouffement que ce soit. L’essentiel aurait été de faire monter la tension entre l’agresseur et la victime, de rendre le huis clos intolérable, les gestes posés, indéfendables. Fâcheusement, rien de cela ne se produit.

Plutôt que de repousser les limites de ce qu’il est possible de représenter ou même d’évoquer au théâtre, le metteur en scène a choisi de mettre beaucoup d’efforts sur la reproduction d’une maison de ferme dans ses moindres détails. Le décor est si imposant, si réaliste et à la fois si kitsch et si improbable qu’il brouille le signal. On ne nous épargne rien, même pas le fameux plateau tournant censé marquer le passage du temps. Évidemment, la scénographie n’est pas la seule responsable du fait que la catharsis n’a pas lieu. Le jeu des comédiens, trop quotidien, trop banal, y est aussi pour beaucoup.

Malgré le déploiement de violence on ne peut plus chorégraphique qui ouvre le spectacle, l’agresseur campé par Sébastien Gauthier n’est pas particulièrement inquiétant. Dans la peau des colocataires, Julie Perreault et Geneviève Bélisle sont encore moins convaincantes, souvent caricaturales. Quant à Karine Vanasse, elle s’en tire bien mieux que ses collègues. La détresse de son personnage est palpable, mais il reste que son jeu, comme l’ensemble de la représentation, aurait pu offrir bien plus de férocité.