Les hommes à scie : Le dire et le fer
Scène

Les hommes à scie : Le dire et le fer

Simon Gauthier et Jean-Marc Massie entrelacent adroitement conte et musique "métallurgique" dans Les hommes à scie.

Aussi contrastés soient-ils, les univers des conteurs Simon Gauthier et Jean-Marc Massie cohabitent assez naturellement ces jours-ci sur la plus petite des scènes du Monument-National. Alors que le premier nous entraîne dans de vastes légendes maritimes ou cosmogoniques, le second déploie des récits de vie fantaisistes et franchement drôles. Les deux hommes ont en commun de positionner leurs histoires à cheval sur le passé et le présent, la ville et la campagne, la tradition et l’invention, le folklore et l’actualité, le plancher des vaches et un ailleurs meilleur.

La dimension musicale du spectacle reflète également cette soif d’entrelacer l’hier et l’aujourd’hui. Grâce aux ingénieux bidouillages de Benoit Rolland, l’égoïne, la chaîne d’acier et le call de l’orignal adoptent des sonorités étonnamment contemporaines. La salle est pour ainsi dire remplie de fumée. Au fond de la scène, se trouve une immense scie ronde dont les dents découpent des rayons de lumière, ceux de la lune ou du soleil. L’effet est très réussi. On se croirait dans une forge. Une forge à contes, bien entendu, où nos deux ferrailleurs de mots déballent tour à tour leurs histoires abracadabrantes. Il est notamment question du berce-eau de la mer, d’un homme né avec une tête en or massif qui entraîna sa perte, d’un curé et d’une bénédictine qui succombent au désir, d’enfants qui naissent dans la douleur et de bien d’autres choses encore.

Le plus beau moment de la soirée est sans contredit celui où Jean-Marc Massie improvise un conte à partir des mots que lui a soumis l’assistance. Le soir où nous y étions, il fallait que le conteur se débrouille avec Arthur Stallone comme héros, les mouches noires et M. Schiste comme opposants, un bidon d’essence, le parc La Fontaine comme lieu, et le passé composé comme temps.

C’est dans ce genre d’exercice qu’on accède le plus directement à l’imaginaire du conteur, à ses sources, ses figures récurrentes, ses trouvailles lumineuses et ses bouées de sauvetage. Il fallait voir Massie piaffer comme un cheval pour faire venir l’inspiration. "Je fais du bungee sans élastique!" a-t-il lancé avant d’évoquer les films pornos de Stallone, l’oeuvre de Pierre Perrault et celle de Roméo Pérusse, les éoliennes et quoi d’autre encore. Le résultat de l’impro n’est pas parfait, parfois même erratique, mais il est rafraîchissant, diablement captivant. On en redemande.