Jacques Leblanc / Marie-Hélène Lalande : Les grandes chaleurs
Après Le menteur, Jacques Leblanc dirige La Locandiera, où la manipulation se décline cette fois au féminin, avec Marie-Hélène Lalande dans le rôle-titre. Chaude comédie italienne.
Jacques Leblanc avait gardé un bon souvenir de La Locandiera de Goldoni, après l’avoir montée avec des amateurs il y a 25 ans. Il aime entre autres l’histoire de cette femme "dont le modus vivendi est la liberté". C’est-à-dire que Mirandolina, une aubergiste, séduit tous ceux qui gravitent autour de sa locanda. Elle manipule pour le plaisir, pour les cadeaux, pour demeurer indépendante. Et lorsqu’un chevalier misogyne se présente à sa porte, elle le fait par défi.
"Quel personnage féminin extraordinaire! commente-t-il. Dans la comédie classique, souvent, ce sont les personnages masculins qui ont le plus de viande. Là, Mirandolina a un méchant beau morceau. Je me disais que pour une comédienne, ce serait un bonheur de travailler ça." Il a donc décidé de mettre la pièce à l’affiche et d’en assurer non seulement la mise en scène, mais aussi la traduction afin d’avoir un texte plus direct, moins verbeux, se rapprochant ainsi davantage de l’original italien que les versions françaises existantes.
Marie-Hélène Lalande, qu’on a pu voir dans Cinq filles avec la même robe et Barbe bleue…, se sent effectivement choyée d’interpréter ce rôle. "Le défi est d’être aussi brillante qu’elle, observe-t-elle. Réussir à faire ce qu’elle fait et à incarner ce que tous les autres personnages disent d’elle, alors qu’ils la jugent parfaite, c’est vraiment énorme. Il faut trouver toutes les manières d’agir de cette femme très rusée, vive, qui se revire rapidement et étonne toujours."
Pour la guider dans cette entreprise, elle peut compter sur la vaste expérience du théâtre classique et le grand souci de précision de Jacques Leblanc. "J’ai essayé d’aller chercher l’essence comique dans toutes les répliques sans jamais en gommer la vérité", précise-t-il. Cela, afin de rendre justice à la relation qui se développe entre l’aubergiste et le chevalier (Serge Bonin) puisqu’il s’agit, selon lui, du "plus grand intérêt de la pièce".
Il a voulu créer autour d’eux cette impression qu’on trouve à l’écran lorsque le héros marche à un rythme normal et que tout le reste se déroule en accéléré. Il se dit d’ailleurs "fasciné" par ce que Marie-Hélène Lalande et Serge Bonin arrivent à construire. N’empêche que la pièce amuse aussi en se moquant des nobles, dont les comédiens et lui n’ont pas manqué d’étoffer les caractères.
En fait, le metteur en scène a même apporté des changements au texte pour que chacun des huit personnages évolue, qu’il passe d’un état à un autre, qu’il ait "un début et une fin". Il a également ajouté une introduction "qui donne le ton immédiatement" et situé l’action à Venise, ville de l’amour, plutôt qu’à Florence.
"C’est très festif, coloré et extrêmement chaud; il fait vraiment beau cette journée-là, poursuit-il. Il est beaucoup question de manipulation et de charisme, chacun joue un rôle dans la société et il y a deux personnages de comédiennes, donc tout est éminemment théâtral: et dans le jeu, et dans la scénographie, et dans la musique." Avec bien des surprises en perspective…