Nabila Ben Youssef : Lever le voile
Scène

Nabila Ben Youssef : Lever le voile

Humoriste, arabe et "biologiquement cochonne", Nabila Ben Youssef se dit Drôlement libre. On n’en doute point.

Alors qu’elle entreprend une nouvelle tournée de spectacles qui s’annonce décisive pour sa carrière d’humoriste, Nabila Ben Youssef a la tête ailleurs. Pour être précis, ses pensées vont vers la Tunisie, son pays d’origine. "Avec tout ce qui se passe là-bas, il faut que je vérifie la situation tous les jours, explique-t-elle. C’est un événement historique, une première dans le monde arabe, où une révolution populaire démocratique, ça ne court pas les rues! Je suis très fière d’être Tunisienne."

Pour la néo-Québécoise, il est évident qu’elle devra inclure cette nouvelle réalité dans son spectacle. "J’ai tout un numéro sur la Tunisie. Je dois en parler pour que les gens me connaissent. La première partie porte sur mes origines… et moi, j’ai plein d’origines! (Rires.) C’est entre autres ce que j’ai pris le temps de développer dans cette nouvelle version de mon show."

Drôlement libre, c’est la mouture finale d’un spectacle évolutif. Selon Nabila, il faut le voir comme son véritable premier one woman show. "Habituellement, les humoristes rodent leurs numéros dans les bars. Moi, j’ai rodé un spectacle. J’ai testé mon matériel avec Arabe et cochonne et ensuite avec une deuxième version, Arabe et cochonne bio."

Cette formule semble avoir été la bonne pour l’humoriste, car à la suite des bonnes critiques, Juste pour rire l’a prise sous son aile. Les retombées sont considérables, car cette fois, Nabila Ben Youssef a pu compter sur une équipe d’auteurs (Pierre Sévigny, Sylvain Larocque, Stéphane E. Roy, Frédéric Savard…), ainsi qu’un metteur en scène, Jean Fournier. "Je suis très contente de l’avoir. Il met ses tripes là-dedans." Il a également mis la hache dans une bonne partie du spectacle initial. Au dire de l’artiste, les spectateurs pourront difficilement reconnaître des extraits d’Arabe et cochonne bio. "Il n’en reste qu’environ 20 %, et tout a été modifié et dispersé."

Dans le noir, sous la couette

À ce stade-ci de sa carrière, l’humoriste connaît bien les outils qui la rendent redoutablement drôle. "Je fais dans le sarcasme, l’autodérision, la dénonciation, la provocation… mais pas gratuite! Cette fois, je vais encore plus loin. Ce n’est pas juste du stand-up. Je raconte beaucoup de choses, sans que ce soit du conte; ce n’est pas du Fred Pellerin ou du Boucar Diouf! Parfois, je suis dans l’humour noir. C’est le style qui caractérise les Maghrébins, car avec tous les malheurs qu’on vit, on a besoin de dédramatiser."

Pour Nabila Ben Youssef, difficile de nier le volet engagé de son humour; sur scène, elle aborde les religions, la guerre, le port du voile, les accents, l’immigration et ses difficultés… "Mais ce n’est pas lourd, précise-t-elle. Je veux que les gens rient beaucoup, mais qu’ils apprennent aussi des choses, qu’ils y pensent une fois de retour chez eux."

Peut-être même que les Québécois en discuteront sous la couette, car les thèmes de Nabila – qui se dit agace – sont aussi coquins. "Y a trop de sexe au Québec. En fait, il y en a partout, sauf dans la chambre à coucher. Chez nous, c’est le contraire."