Roger Sinha : Danser comme on respire
Musique

Roger Sinha : Danser comme on respire

Une crise d’asthme presque fatale est à l’origine de Question de souffle et de vie où Roger Sinha poursuit avec six danseurs l’exploration des nouvelles technologies amorcée avec Zeros & Ones.

À l’heure où il fête les 20 ans de sa compagnie, Roger Sinha affirme un nouveau virage dans sa démarche artistique. Après Burning Skin, une pièce de danse-théâtre sur le thème du racisme, sa carrière s’était déployée dans des oeuvres formelles très écrites, caractérisées par la finesse et la précision d’une gestuelle imprégnée de danse indienne. Et puis, en 2008, ce fils d’Indien et d’Arménienne s’était risqué à l’improvisation en dialogue avec une technologie interactive. Fort de son succès en solo, il récidive avec une pièce de groupe.

"J’aime le principe d’action/réaction, commente le chorégraphe. Le corps a un lien direct avec l’environnement sonore et visuel. Il n’y a personne en régie qui pousse les boutons. C’est exactement comme quand on respire: le dioxyde de carbone qu’on produit est transformé en oxygène pour qu’on puisse vivre." De la même manière, les mouvements des danseurs déclenchent des sons et des images (de leurs propres corps filmés et dédoublés) avec lesquels ils jouent, alimentant ainsi un cycle perpétuel. Un jeu rendu possible grâce à la technologie Bluetooth et à des commandes et contrôleurs Wii attachés à chacun de leurs membres.

Comme dans la plupart des créations de Sinha, la thématique au coeur de l’oeuvre est liée à son vécu. Si les poèmes dits sur scène parlent exclusivement de souffle et que celui des danseurs est amplifié par des micros, c’est que le chorégraphe a failli mourir d’une crise d’asthme au retour de son premier voyage en Inde. "J’ai fait un parallèle avec l’histoire du célèbre explorateur de l’Arctique Peter Freuchen qui s’est protégé d’un blizzard en construisant un igloo dont les murs se sont refermés sur lui au rythme de sa respiration. Il devait respirer pour vivre, mais c’est sa respiration qui a causé sa mort. Je trouvais intéressant de relier le souffle à la mort aussi."

Dans cette oeuvre poétique et non narrative, l’influence de la technologie se traduit par l’ouverture à l’improvisation structurée et à la lenteur. Des éléments nouveaux dans la pratique de Sinha et dont on a bien hâte de voir comment ils colorent sa signature.