Temps / Wajdi Mouawad : Dans l'air de Temps
Scène

Temps / Wajdi Mouawad : Dans l’air de Temps

Quatre comédiennes de Québec, à Berlin pour la première mondiale de Temps, nous parlent de cette nouvelle pièce de Wajdi Mouawad. Mais pas trop, pour ne pas gâcher la surprise.

Berlin, une heure du matin. Après une journée à répéter intensivement Temps, le nouveau spectacle de Wajdi Mouawad, Marie-Josée Bastien, Anne-Marie Olivier et Véronique Côté se rassemblent dans la chambre d’hôtel de Linda Laplante pour notre entrevue. Au bout du fil, les comédiennes vibrent d’enthousiasme. "C’est passionnant. On est embrasées", s’exclame Linda.

Elles doivent toutefois se surveiller pour ne pas trop en dire. "Ce serait formidable que les gens ne sachent pas à quoi s’attendre, qu’ils soient vierges pour recevoir cette espèce d’épopée tragique qui mélange trois niveaux de temps et s’avère très locale, mais avec un écho international", commente Anne-Marie. Déjà, on comprend qu’on aura droit à une oeuvre singulière, surprenante.

"Quand Wajdi nous a approchées, le texte n’existait pas encore. On ne savait pas du tout ce qu’on allait jouer", raconte Linda. Elles se savaient cependant entre bonnes mains. Au point de répondre par l’affirmative lorsqu’il leur a demandé si elles étaient prêtes à se mettre en danger. "Il a rassemblé des artistes qui n’ont pas peur, qui plongent sans filet dans les situations", observe Marie-Josée.

En retour, le dramaturge et metteur en scène leur témoigne une confiance "absolument rafraîchissante et inspirante", note Véronique. Il ne se laisse pas arrêter par ce qui semble impossible, comme de lancer à Marie-Josée et Linda le défi d’apprendre le langage des signes et à Anne-Marie, le russe. "Ces actrices explosent dans la contrainte, continue-t-elle. C’est très impressionnant!"

À l’instar d’un iceberg, on ne voit pour l’instant que la pointe de l’oeuvre, pleine de secrets, de poésie, qui s’est cristallisée au fil des répétitions. C’est-à-dire l’histoire de deux frères qui retournent chez leur soeur à Fermont, au moment où leur père se meurt et où une horde de rats envahit cette ville minière froide et isolée à la frontière du Labrador.

"Sur le plan de la forme, on est dans quelque chose d’assez nouveau par rapport au reste de l’oeuvre de Wajdi et, sur celui des thèmes, des obsessions, on se situe dans la continuité de son univers", estime Véronique, avant de spécifier que l’ensemble se démarque par un travail poussé autour de l’ellipse. "Le spectacle est une flèche", illustre Linda.

Comme la mise en scène continue à évoluer, elles ne peuvent pas encore se prononcer à son sujet. Mais en ce qui a trait au ton, elles s’entendent pour dire que l’expression "tragédie contemporaine" convient bien à Temps. "La pièce est assez cathartique. Il y a des zones troubles, indique Anne-Marie. J’ai hâte de voir comment le monde va la recevoir."

"Le spectacle soulève des passions et je crois qu’il va en soulever chez le public aussi, répond Marie-Josée. C’est bouillant dans la glace." "Pour nous, il s’agit de jamais vécu et je pense que, pour les spectateurs, ce sera du jamais vu et du jamais entendu", relance Anne-Marie. Et Véronique de renchérir: "Tous les jours, des choses qui arrivent sur le plateau nous étonnent." Soyons donc prêts à tout.