François-Mathieu Hotte / Antigone : Metteur en pièces
Le Théâtre 100 Masques nous offre une relecture d’Antigone de Sophocle. Ce sera le baptême du feu pour François-Mathieu Hotte, qui en sera à sa première mise en scène.
"J’aime mieux dealer avec des papiers et du crayon, eux, au moins, ils ne remettent pas en question tes décisions." C’est avec un brin d’humour que l’artiste multidisciplinaire François-Mathieu Hotte commente son travail avec des comédiens.
Ayant accumulé de nombreuses expériences de tournage au cinéma, le réalisateur maudit a fait son premier saut vers les planches. Lui-même l’avoue, il s’agit là d’un sérieux contre-emploi. "Au départ, je ne suis pas une personne qui a beaucoup d’affinités avec le théâtre. Je suis une victime de la génération de l’image formatée et du montage télévisuel et cinématographique. Quand je vois des êtres humains dans un espace qui ne font que parler et se déplacer, ça m’ennuie. J’aimerais ça avoir un close-up ou un dessus de table en travelling."
Se qualifiant d’artiste à la recherche constante d’un défi, Hotte n’hésite jamais à se placer dans des zones d’insécurité et de danger. C’est d’ailleurs ce qui l’a séduit lorsque la comédienne Maude Cournoyer l’a abordé afin de faire la mise en scène d’Antigone. "C’est du théâtre avec des personnes qui se suicident, qui ont des grosses convictions morales, qui défendent des idées plus grandes que nature et qu’eux-mêmes. C’est une pièce vraiment casse-gueule."
En plus d’interpréter le rôle-titre de la pièce, Maude Cournoyer aura instigué le projet et aura un grand rôle dans sa conception. "On a fait une réécriture et c’est Maude qui en a fait la grande partie en se basant sur plusieurs traductions du texte. Notre but était de rendre Antigone accessible et de le moderniser. Par contre, on ne prétend pas que notre réécriture est noble."
Outre le cinéma, Hotte oeuvre aussi en arts visuels. Que ce soit en photographie ou dans ses installations en galerie, on remarque que l’apprenti metteur en scène éprouve un malin plaisir à provoquer le spectateur, mais sans jamais tomber dans la gratuité. Une autre constante chez l’artiste est cette fascination qu’il a pour la représentation du drame chez les individus. Le personnage de Créon, incarné par le comédien Éric Renald, était donc une occasion en or pour Hotte de laisser libre cours à sa créativité. "La pièce s’appelle Antigone, mais pour moi, le personnage qui est au coeur de la tragédie, c’est Créon. Au milieu de la pièce, Antigone est morte et elle est déjà backstage en train de manger des chips. Tout au long du récit, c’est Créon qui passe de héros à zéro par le biais du destin."
Alors qu’il nous parle de son travail sur Antigone, Hotte fait un lapsus très révélateur en parlant de "mettre en pièces Antigone". Toutefois, ce désir de tout faire exploser et de remodeler le genre théâtral a pris une direction plutôt inattendue. "J’ai été très sobre. Même que ça m’a impressionné. J’avais le goût de m’éclater et en cours de route, j’ai décidé de profiter de ce projet pour aller à l’école du théâtre. J’ai travaillé dans une sorte de représentation du texte. C’est une approche qui a été beaucoup influencée par Rodrigue Villeneuve."
Ils sont nombreux les comédiens à avoir joué sous la direction de Villeneuve. Pour ce qui est des amateurs de théâtre de la région, ils sont pour la plupart habitués au travail de celui-ci. En ce qui a trait à François-Mathieu Hotte, ce dernier a eu la chance de bénéficier d’une observation privilégiée de l’approche de Villeneuve quant au rôle de metteur en scène. "J’ai filmé le travail de Rodrigue pendant cinq ans, j’ai remarqué qu’il allait plus dans le sens du texte que dans une exploration esthétique. Je me suis limité et ça m’a fait chier, mais le texte est tellement riche qu’il méritait cette sobriété. En même temps, ç’a été très instructif pour moi, car au cinéma, il faut vivre avec la difficulté de raconter une histoire. C’était une des premières fois que j’avais cette chance-là. Dans Antigone, mon expérience de cinéaste se fait davantage sentir dans l’ambiance ou l’atmosphère qui traverse la pièce du début à la fin."
Que l’aventure de Hotte en tant que metteur en scène se répète ou non, son détour vers le théâtre laissera à tout jamais une trace dans l’oeuvre de l’artiste. On a déjà hâte de voir à quoi ressemblera cette vie après Antigone.
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