Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges : Du roman à la scène
Les temps changent, mais les préoccupations morales restent. L’adaptation théâtrale du roman Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges en fait foi.
En 1980, après avoir délaissé momentanément le théâtre, Michel Tremblay écrivait un cinquième tome à ses Chroniques du Plateau Mont-Royal: Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges. Vingt et un ans plus tard, ce roman traverse enfin la rampe avec un succès qui ne se dément pas de ville en ville.
Cette histoire raconte les tribulations d’un petit groupe d’adolescentes au début des années 40, dans un contexte où la religion régit tout, de l’éducation à la vie sociale, de la famille à la vie professionnelle. Une chape de plomb toute de convenances et de dévotion construite. Un monde de foi dont la majeure partie était composée de femmes fortes qui se dévouaient sinon pour une vocation fervente, du moins pour un avenir loin du quotidien sclérosé de la femme canadienne-française.
En quoi la mise en scène de ce récit répond-elle, aujourd’hui, à notre monde contemporain farouchement épris de laïcité? "C’est drôle parce que c’est la même question que se posait Serge Denoncourt, le metteur en scène, au début de la création, affirme Lynda Johnson, l’une des comédiennes de la pièce. Ces femmes-là nous ont construites, et par la pièce, on se rend compte que malgré la distance historique, les thèmes principaux demeurent encore très présents dans l’actualité: l’amitié, les clans, le taxage, l’homosexualité… Les jeunes comme les vieux pourront se reconnaître dans ces personnages… et c’est ce qui fait la force de Tremblay."
La différence de véhicule, entre le littéraire et le théâtral, laisse assurément quelques marques. "C’est sûr que pour faire l’adaptation, Denoncourt a dû couper beaucoup de personnages pour aller à l’essentiel. L’espace est moins grand. Au théâtre, il faut faire plus court, condenser le récit. Cette pièce est un peu comme un album de famille, une suite de tableaux. Ça va rapidement. C’est pour ça qu’il a préféré mettre en lumière des points précis du roman, des facettes qui n’avaient pas, au départ, la même importance."
Et la comédienne – qui en est à son premier Tremblay en tant que professionnelle – poursuit: "Par exemple, mon personnage, soeur Sainte-Catherine… Dans le roman, on sent qu’elle a une attirance pour une autre femme, qu’elle vit une crise de foi. Dans la pièce, ce côté est plus accentué." Et l’illustration de cette passion qui fera défroquer la religieuse est plus directe. Moins sous-entendue…
La liberté des mots dans l’oeuvre écrite devient liberté esthétique et stylistique sur la scène. Une métamorphose à laquelle l’auteur original n’a participé que de loin, convaincu depuis toujours qu’il est incapable de faire soi-même l’adaptation de ses romans pour le théâtre…
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