Ronfard nu devant son miroir : En toute liberté
Musique

Ronfard nu devant son miroir : En toute liberté

Dans Ronfard nu devant son miroir, Daniel Brière et Evelyne de la Chenelière font d’un message téléphonique une matière dramaturgique.

Vous l’aurez certainement compris, le Ronfard dont il est question dans le titre, c’est Jean-Pierre Ronfard, homme de théâtre multifacette, cofondateur du Théâtre Expérimental de Montréal, devenu en 1979 le Nouveau Théâtre Expérimental (NTE). Que l’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas ici d’un spectacle biographique, et l’homme ne nous est dévoilé que par bribes qui ne permettent pas de dresser un portrait exhaustif, encore moins d’appréhender l’histoire d’une vie.

Le point de départ du spectacle est un message téléphonique adressé à Marthe Boulianne, codirectrice du NTE, dans lequel Ronfard déplore être "un type correct" et avoue son désir "de provocation, de risques, d’excès…". Un message plutôt inattendu venant d’un homme célèbre pour son anticonformisme et qui a profondément marqué le théâtre québécois en le faisant sortir des sentiers battus.

Ce message, Daniel Brière et Evelyne de la Chenelière ne l’ont pas seulement écouté et analysé, mais carrément disséqué: ils en ont fait une bande sonore, ils en projettent des extraits sur un mur, et ils l’ont interprété selon de multiples perspectives: artistique bien sûr, mais aussi culturelle, sociopolitique, romantique, familiale, marketing… Un processus de création inusité, qui se rapproche de l’expérimentation prônée par le fondateur du NTE et inscrite dans le nom de la compagnie.

Il en résulte une succession de fragments qui constituent une ébauche de réflexion sur la provocation, l’industrie culturelle, la critique théâtrale, la culpabilité judéo-chrétienne à la québécoise, la guerre, la création, l’amour, le legs, etc. Ronfard, dans ce message vocal comme dans sa pratique, revendiquait la liberté de l’acte créateur. Et cette liberté, les huit compères impliqués – outre Brière et de la Chenelière, on compte les talentueux Claude Despins, Victoria Diamond, Julianna Herzberg, Nicolas Labelle, Daniel Parent et Isabelle Vincent – se la sont visiblement accordée. Il se dégage de ce spectacle un sentiment de joie qui donne à penser que ses artisans ont savouré l’expérience de création en elle-même. Malheureusement, le spectateur se sent laissé de côté dans cette aventure, noyé sous l’abondance de tableaux tout en peinant à percevoir le propos, regrettant le manque de consistance de la réflexion, et quittant la salle sans que le spectacle ait provoqué en lui de véritable questionnement.