Transmissions : Retour à la terre
Avec Transmissions, Justin Laramée exprime de manière poignante à quel point le destin des hommes est inextricablement lié à celui de la faune et de la flore.
En 2008, Justin Laramée a reçu pour Transmissions le prix Gratien-Gélinas. D’abord parce que la pièce présente un ton unique, alliage ingénieux et sensible de réalisme et de fantastique, mais aussi parce qu’elle met en scène des préoccupations qui sont, à notre époque, particulièrement atypiques, des enjeux pourtant cruciaux qui concernent la spiritualité, l’environnement, la santé et la vie en société. Le spectacle produit par le Théâtre Qui Va Là relève le défi d’aborder ces questions, de parler de tradition et de modernité sans donner un seul instant dans le plaidoyer.
Hormis Danis, Dalpé et Bouchard, bien peu de dramaturges québécois s’intéressent de nos jours aux enjeux et aux forces vives de la campagne. Pourtant, la forêt, la ferme, la rivière et le champ sont des théâtres passionnants, des espaces névralgiques où la nature est à la fois souveraine et menacée. Dans un monde comme le nôtre, en perte de repères, en manque de rituels, assoiffé de beauté et de sens, des pièces comme celle de Laramée sont plus que nécessaires.
Une famille dysfonctionnelle. Six individus que le destin, retors, a réunis pour une fin de semaine à la campagne traversée de mystères et de tragédies. Les deux pieds dans la terre, au seuil d’une forêt magnifiquement représentée par Geneviève Lizotte, les Beauchemin vont vivre une épreuve de taille. Comme d’autres ont dû, ailleurs et à une autre époque, se défaire de leur cerisaie, Éric (Roger Léger) et Lucille (Danielle Proulx) sont contraints de vendre leur chalet. Pour une dernière fois, les enfants, des écorchés vifs, sont de passage: Gabriel (François Bernier), Diane (Monia Chokri), Camille (Émilie Gilbert) et son chum Fred (Maxime Denommée).
Dans sa mise en scène, Laramée a su entrelacer l’humour et le drame, le quotidien et le fantasme. On s’émeut fortement de voir des animaux – une chienne et une oie qui apparaissent sous la forme de marionnettes réalistes – obliger les humains, ces mammifères bien compliqués, à faire face à leurs actes, à vivre leurs deuils, à prendre leur courage à deux mains. En filigrane de tous les règlements de comptes, de tous les affrontements et de toutes les réconciliations que contient la pièce, il est une grande idée fédératrice: c’est l’être humain qui appartient à la terre, et non l’inverse.