Shirley Valentine : Faire peau neuve
Scène

Shirley Valentine : Faire peau neuve

Shirley Valentine dresse un portrait de femme daté et de peu d’intérêt, que Pierrette Robitaille parvient toutefois à rendre savoureux.

Le problème avec Shirley Valentine, c’est que c’est une pièce d’une autre génération. Même si le texte offre une réflexion sur la dissolution de l’identité dans le couple et la famille, et la nécessité d’aller au bout de ses rêves, le contexte de la femme au foyer coincée dans sa cuisine, qui passe sa vie à s’occuper de la maison, à élever ses enfants et à vivre dans l’ombre de son mari, sans la moindre liberté individuelle, est trop présent pour que la pièce présente une forme d’universalité et que les moins de 70 ans puissent s’identifier au personnage; la pièce a d’ailleurs été créée en 1986 et met en scène une femme de 42 ans – dans sa traduction, Michel Dumont lui en a donné 49 -, donc née en 1944.

Tout au plus, en tant que femme se rappelle-t-on avec émotion la fière chandelle que l’on doit aux féministes pour nous avoir sorties de cette galère, où l’ultime provocation consiste à servir à son mari des oeufs et des frites le jeudi, alors que c’est le jour du steak haché, et où partir deux semaines en Grèce avec une amie relève des rêves les plus fous et justifie des jours de tergiversations. Le sujet mis de côté, on ne peut malheureusement pas non plus apprécier le talent d’auteur de Willy Russell, qui nous offre une pièce sans surprises, s’étirant en longueur, et manquant cruellement de style.

Il faut toutefois saluer la remarquable prestation de Pierrette Robitaille, qui arrive à insuffler de l’humour à un texte qui en manque, donne de la truculence à des anecdotes sans saveur (notamment celle où son fils, alors à l’école primaire, incarne Joseph dans le spectacle de Noël) et rend fort attachante cette femme qui redécouvre le plaisir de vivre. Jacques Girard, qui signe la mise en scène, n’a rien proposé de novateur ni de surprenant. Dans la première partie, le décor est réaliste au point d’avoir l’eau et le gaz et de permettre de cuire des oeufs au plat; dans la seconde partie, il amène presque la Grèce sur scène au moyen d’un gigantesque décor de carte postale sur lequel des projections permettent de simuler des vagues.

Girard a toutefois eu l’habileté de mettre en valeur le talent comique et de conteuse de celle qui est sa complice depuis le Conservatoire. Robitaille incarne avec une aisance extraordinaire les multiples personnages qui peuplent son récit, et parvient à tenir le haut du pavé pendant plus de deux heures sans aucune difficulté. Une performance!