Gunshot de Lulla West (pars pas) : Du rêve au cauchemar
Avec Gunshot de Lulla West (pars pas), Eugénie Beaudry donne naissance à un univers tout à fait singulier!
Cela fait 10 ans que Lulla et Jessy courent les routes et les bars, espérant faire une percée dans le monde de la musique country: 10 ans de galère, de gueules de bois, de contrats non honorés, qui les ont menés très loin de la maison familiale et d’un passé un peu trouble. Quand ils apprennent que leur mère est malade et décident de rentrer au bercail, en compagnie de leur nouvel agent, les blessures mal cicatrisées se rouvrent.
Il flotte autour de Gunshot de Lulla West (pars pas) un parfum mystérieux et malsain: on sent confusément que quelque chose nous échappe; les personnages sont englués dans des relations de dépendance et de manipulation; la violence, d’abord sous-jacente, devient vite omniprésente; et une part de surréalisme nous fait basculer dans le cauchemar.
L’univers d’Eugénie Beaudry, qui a signé le texte et la mise en scène, est singulier: il sent la crasse, le lendemain de veille, la bière éventée et la solitude, tout en faisant une place à l’humour noir et à la fantaisie. La langue est crue et anglicisée (les personnages sont acadiens), directe et efficace. La mise en scène, en faisant se chevaucher les scènes, ajoute au sentiment de décalage et d’étrangeté ressenti par le spectateur.
Le travail des corps est précis et la théâtralité assumée, un registre dans lequel les comédiens sont parfaitement à l’aise. Dans le rôle de Jessy, Robin-Joël Cool est particulièrement troublant, dégageant une violence teintée de fragilité. Voilà une jeune compagnie – Le Laboratoire, Théâtre de (ré)création contemporaine – fort prometteuse!