En découdre : Voix multiples
Scène

En découdre : Voix multiples

Croisement entre les mots de Luc Tartar et les images d’Eric Jean, En découdre est un spectacle dont l’incohérence a le mérite d’être troublante.

Désassemblé. Disjoint. Disloqué. Décousu. Ce sont les mots qui nous viennent en tête lorsque le rideau tombe sur le spectacle de 60 minutes qu’Eric Jean a imaginé à partir d’un texte plutôt poétique du Français Luc Tartar intitulé En découdre.

De la part d’un metteur en scène qui affectionne depuis ses débuts, il y a une quinzaine d’années, le fragmentaire et l’impressionniste, la logique du rêve, de l’inconscient et du fantasme, les corps soulevés et les esprits entravés, on ne s’attendait bien évidemment pas à un objet convenu ou conforme. Tout de même, on ne sait trop quoi penser de cette suite de tableaux que rien ne semble fédérer.

Or, il faut savoir que le spectacle aborde la schizophrénie, une condition qui induit bien entendu une certaine confusion de la pensée, un état que le metteur en scène a forcément cherché à faire partager. Il y a donc un chaos à admettre quand on passe la porte du Quat’Sous ces jours-ci. Reste que traduire la maladie mentale, représenter la folie, pénétrer les dédales du cerveau… Eric Jean l’avait fait de manière nettement plus concluante avec Hippocampe et Chasseurs.

Dans un espace froid, clinique, recouvert de carrelage noir, éclairé au néon, une jeune femme entreprend de se battre contre le mal qui l’habite, choisit d’opposer au diagnostic sa rage de vivre, sa détermination à garder la tête hors de l’eau. Le déséquilibre avec lequel elle devra apprendre à composer – une quête d’identité menée à toute allure – s’exprime par un dédoublement. Ainsi, Catherine Audet et Aude Rioland incarnent l’héroïne alors que Matthieu Girard et Simon-Xavier Lefebvre donnent corps à un garçon dont les hantises répondent à celles de la jeune schizophrène. Frédérike Bédard et Stéphane Jacques sont les parents désarçonnés.

La musique omniprésente de (ou remixée par) Vincent Letellier est un puissant véhicule d’émotion. Le chant aussi. Sans oublier la danse, convulsive, désespérée, qui occupe une place de choix. La choralité de certains passages fait souvent mouche. Et pourtant, malgré des images qui frappent l’imaginaire, des contrepoints et des recoupements convaincants, on reste avec le troublant sentiment d’observer un assemblage de signes hétéroclites. Au moins, on ne sort pas de la salle rassuré. C’est déjà pas mal.