Mario Veillette / Père et Mère : Songes printaniers
Précieux porte-étendard de la danse butô à Québec, Mario Veillette se met en scène puis engage sept danseuses dans sa nouvelle production. Un point final introspectif et minimaliste pour la 14e saison de La Rotonde.
Trois ans. C’est le temps qui aura été nécessaire à la création de Père et Mère, un spectacle divisé en deux parties bien distinctes où jeunesse, vieillesse et féminité se partagent la scène tour à tour. Une pièce mûrie à point, forte des 25 ans de métier de son géniteur.
Entrant tout juste dans la cinquantaine, Mario Veillette trace un bilan et joue (d’abord) le rôle de l’interprète. "C’est sûr qu’en vieillissant, mes capacités diminuent. Ça apporte quelque chose de différent à mon art", laisse-t-il savoir, tout sourire, en parlant de son solo.
Le résultat, projecteurs ouverts et public sagement assis, promet d’être d’une grande sensibilité. Empreinte d’une sérénité et très intimiste, la pièce interpelle d’abord et avant tout le coeur. "La scénographie est totalement dépouillée, il n’y a qu’une chaise. Et moi, je bouge peu et c’est délicatement que je le fais. En réalité, l’attention est surtout portée vers mon visage et mes mains", expose Mario Veillette.
Mention spéciale à la participation de Julie Pichette, aux costumes, sans qui l’ambiance du spectacle n’aurait pas été complète ou, du moins, aussi riche et profonde. Une collaboration entre deux artistes répétée pour la énième fois, qui vient donner le ton à l’atmosphère du spectacle au même titre que la musique, toujours soigneusement choisie par Veillette: "Pour ma partie, j’ai choisi trois pièces différentes, une de Beethoven, une de Majilla Jackson et l’autre d’un compositeur butô quasi anonyme. Pour la partie des filles, j’ai pris le Stabat mater de Vivaldi."
Inspiré par son père, mais aussi des mimiques de sa mère, le solo "pour homme mature" de Veillette avait déjà été présenté dans une forme incomplète en 2008, toujours à La Rotonde. Arrivée au terme de son processus de création, la chorégraphie oscille doucement entre l’absence, la vie et la mort. Sans être inquiétante, la présence sur scène de Veillette devient fantomatique et vaporeuse, comme les souvenirs qui remontent à la surface.
La mémoire est en fait le dénominateur commun des deux parties du spectacle. "La finale de la chorégraphie du volet Mère est la même que la finale d’une pièce du London Contemporary Dance Theatre que je me souviens d’avoir vue à Trois-Rivières, au début des années 80. Le spectacle m’avait tellement marqué que c’est venu confirmer ma volonté de choisir la danse contemporaine au lieu du jazz ou du classique."
Mélange (inédit) entre butô et contact improvisation, la deuxième partie du spectacle se veut un alliage entre douceur et chute. "Chute ne veut pas forcément dire drame, mort ou défaillance. La chute peut être reprise d’une manière maternelle, comme une mère qui berce son enfant", explique Mario Veillette en parlant de la partie toute féminine, interprétée par sept de ses anciennes étudiantes qui marchent dans ses pas, et qui l’ont choisi comme mentor. "C’est un nouveau rôle, que j’adore", ajoute Veillette.
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Yumiko Yoshioka, Annie Gagnon