Pierre Richard : Lettres majuscules
Dans Franchise postale, Pierre Richard répond en toute honnêteté à de fausses lettres d’admirateurs.
Creusant le même sillon de l’autoportrait par anecdotes que dans son précédent solo, Détournement de mémoire, Pierre Richard répond dans Franchise postale (aussi un livre paru en 2010) à des lettres d’admirateurs archétypaux. Ici, un universitaire balourd prétend avoir compris le sens profond de son oeuvre, tantôt, une dame lui demandera d’assister à l’anniversaire de sa mère (parce que Depardieu n’est pas disponible).
Un beau subterfuge que cette correspondance imaginaire qui permet au gaffeur céleste d’ironiser sur la vanité de certains cinéastes de la Nouvelle Vague, de décrire son face à face – chez le dentiste! – avec Marcel Marceau ou de se remémorer sa participation involontaire à la fronde de Mai 68. "J’ai la chance de pratiquer un métier où on fait des rencontres invraisemblables; c’est ce qui a rendu ma vie tellement joyeuse. Ça m’amuse de me rappeler ces souvenirs pour, au fond, rendre hommage à des gens que j’ai croisés", explique celui qui ne se dévoile finalement qu’à travers les autres. "Ce sont des histoires que j’ai racontées à table à tous mes amis pour les faire rire. Avec Christophe [Duthuron, coauteur], nous nous sommes permis d’en tirer quelques réflexions sur le temps qui passe, sur l’âge, sur le métier d’acteur."
Richard en profitera aussi pour décrypter "l’art du déséquilibre" (titre d’un documentaire de 2005) qu’il a pratiqué au grand écran et qui, malgré les apparences, requiert une sorte d’agilité à rebours. À quel entraînement doit-on se soumettre pour briller dans la maladresse de haute voltige? "Ne pensez pas que j’ai travaillé énormément en amont, je demeure un grand paresseux", répond le comédien immunisé contre l’esprit de sérieux. "Je suis spontanément distrait et timide. J’en ai fait des films, mais ce n’est pas le fruit d’une analyse approfondie."
Malgré cette gaieté avec laquelle il avance dans la vie, le grand blond s’abandonne sur scène à quelques moments d’émotion, soulignés par le saxo de son fils Olivier Defays, en évoquant les camarades qui ont déjà quitté la grande fête. Mais sans s’enliser dans le désespoir, quand même: "Je me refuse à la nostalgie et à la mélancolie; si elles commencent à m’envahir, je les rejette. On ne peut pas rendre les gens heureux autour de soi si on n’est pas heureux soi-même!"