Manuel Roque : Le coeur des hommes
Musique

Manuel Roque : Le coeur des hommes

Marie Chouinard poursuit les célébrations du 20e anniversaire de sa compagnie avec un solo dansé par Manuel Roque, Des feux dans la nuit.

La chorégraphe Marie Chouinard avait fondé sa compagnie depuis huit ans quand elle créa son premier solo pour homme. Écrit pour le charismatique Elijah Brown, qu’on a la chance de revoir sur la scène contemporaine entre deux contrats pour Céline Dion ou le Cirque du Soleil, Des feux dans la nuit est repris aujourd’hui par le talentueux Manuel Roque. "Pour moi, c’est un voyage méditatif dans les paysages intérieurs d’un interprète, commente le danseur. Ce solo ne joue pas sur la virtuosité, mais il passe par toutes sortes d’états et de physicalités; il fait appel à une hypersensibilité dans le corps et dans l’âme, à une intégrité."

Pour cette incursion dans l’intimité au masculin, Chouinard était partie de La musique des mots composée par son complice de la toute première heure, l’artiste multidisciplinaire Rober Racine. Dans la foulée du travail qu’il menait alors autour du Petit Robert pour des installations muséales, il avait écrit une partition en extrayant les notes contenues dans chacun des mots du dictionnaire.

"Par exemple, il a pris do et ré dans "adoré", explique Roque. Ça donne une musique répétitive, très hypnotique, qui donne un ton très fort à la pièce. Et Marie est allée chercher des contrastes dans le corps pour aller avec cette énergie-là. Il y a beaucoup d’emportements mais aussi beaucoup de retours à soi, de ressenti; elle prend le temps d’installer les affaires dans la construction chorégraphique avec des répétitions de mouvements… Ce n’est pas tape-à-l’oeil, c’est un univers vraiment intime. Et comme certaines choses ne fonctionnent pas du tout avec moi, elle me permet de faire des changements assez majeurs."

Arrivé à Montréal en 1997 pour une formation en acrobatie aérienne à l’École nationale de cirque, ce Français d’origine a d’abord travaillé au Cirque Éloize où le trio Johanne Madore, Peter James et Alain Francoeur lui a donné la piqûre pour la danse contemporaine. Avide de s’engouffrer dans l’exploration des infinis possibles de l’art du mouvement, il a collaboré avec Hélène Langevin, Dominique Porte et Sylvain Émard tout en suivant toutes sortes d’ateliers pour parfaire son approche du corps et du mouvement. Entre 2006 et 2009, la Compagnie Marie Chouinard a été la meilleure des écoles.

"Ça a été fantastique, s’exclame-t-il. J’ai connu les réalités du métier de façon extrême parce qu’on change souvent de spectacle en tournée et qu’on travaille plusieurs registres d’interprétation. Et puis Marie laisse un très grand espace de liberté à l’interprète: on travaille avec des systèmes qu’elle calibre beaucoup, mais il y a peu de parties où tout est placé. Avec elle, impossible d’être dans un état passif de simple transmetteur d’une oeuvre chorégraphique à un public. Tu es obligé de t’impliquer, tu es responsable sur scène de quelque chose qui t’appartient."

Cette responsabilité, Roque l’assume de plus en plus en tant qu’artiste indépendant et chorégraphe. On le verra d’ailleurs prochainement en solo dans Raw-me au OFFTA et dans un duo en construction à l’occasion du Fringe. Un artiste à suivre.