Il y a quelque chose de vaguement circassien dans le nouveau spectacle de la Pacotille. On jurerait que ce sont des clowns, bouffons inquiétants, créatures irrévérencieuses, déchaînées, éminemment théâtrales, qui ont planté leur chapiteau décati dans la petite salle du Théâtre d’Aujourd’hui pour raconter la terrible et édifiante histoire d’Otho, ce jeune homme qui a dû affronter seul la barbarie du monde.

Écrite et mise en scène par Sébastien Dodge, La genèse de la rage est une fable, une tragédie burlesque, une nouvelle et fructueuse variation sur le thème de la transmission de la violence. On y voit agir la colère immémoriale, celle qu’on ne cesse d’échanger, d’attiser, de reconduire, de nourrir et de reformuler depuis la nuit des temps. La démonstration a beau être festive, emportée par la musique de Michel Smith, souvent désopilante, parfois même carrément grand-guignolesque, elle n’en est pas moins percutante.

Bouc émissaire

De l’enfance à l’âge adulte, des années 50 aux années 80, Otho est martyrisé sans relâche, sur tous les territoires, de la cour d’école à la mairie, en passant par l’église et la plage. Ses assaillants sont des villageois d’une terrifiante étroitesse d’esprit, des hommes et femmes dégénérés, d’une cruauté sans nom. Osons le mot, ce sont de vrais abrutis. À coups de petites persécutions quotidiennes, sans en prendre vraiment conscience, la communauté va entraîner sa propre perte, déclencher quelque chose comme une fusillade en milieu scolaire dont elle se demandera ensuite ce qui a bien pu la causer.

Grimaçante, sautillante, agitée de soubresauts, la galerie de personnages, défendue par des comédiens très en forme, à commencer par Guillaume Cyr, Fanny Rainville et Renaud Lacelle-Bourdon, repousse les limites du grotesque. C’est Mathieu Gosselin qui a hérité du plus beau rôle, celui de la mère courage, qu’il incarne avec une conviction impressionnante. Sa langue, soutenue en même temps que familière, n’est pas sans évoquer celle de certains héros de Réjean Ducharme. Faut-il vous dire qu’on a déjà hâte au prochain spectacle de Dodge, La guerre, présenté au même endroit en février prochain?

À voir si vous aimez /
Venise-en-Québec d’Olivier Choinière et Si j’avais la seule possession dessus le jugement dernier d’Érik Charpentier, deux pièces créées au Théâtre d’Aujourd’hui par Jean-Frédéric Messier