Marie Brassard : La quadrature du temps
Marie Brassard profite du Festival TransAmériques pour dévoiler aux Montréalais son nouveau spectacle, Moi qui me parle à moi-même dans le futur.
La pièce s’annonce comme un objet théâtral non identifié, une fiction surréelle alimentée par la vidéo, la musique, le son et la danse, un "autoportrait poétique et chimérique" résolument inclassable. "Il y a une femme âgée qui est en train de mourir, explique Marie Brassard. Il y a une enfant qui vit dans un monde qu’elle a complètement fabriqué. Puis il y a moi, la femme que je suis dans le présent."
On entre dans un univers où le temps s’explore par la profondeur, où les réalités se chevauchent à l’aide de la technologie, où une rencontre, même si elle appartient au passé, fait toujours partie de notre vie, parce qu’elle fait partie de nous. À partir de matériaux très personnels – photographies, événements, courts films, écrits, etc. -, la créatrice s’interroge sur notre rapport au temps, à la vie et à l’imagination.
"Quand j’avais 6 ou 7 ans, je me disais: "Un jour, j’aurai 20 ans, et ce jour-là, je vais penser à moi, maintenant." J’entretenais une sorte de conversation avec quelqu’un qui n’existait pas encore mais qui deviendrait moi dans le futur. Aujourd’hui, je me souviens de cette enfant-là qui a pensé à moi quand elle était petite, comme si c’était quelqu’un d’autre."
Plonger dans les zones floues
Si la prémisse semblait la guider à créer une pièce qui soit davantage axée sur sa vie personnelle ou sa vie passée, elle a rapidement accueilli les thèmes et les questions qui surgissaient au fil de la création du spectacle – tant il est vrai que parler de soi est souvent un prétexte pour amener des réflexions à un niveau supérieur.
"Après nous, dans ce monde-ci, on a toujours un questionnement: est-ce qu’on devient quelque chose, est-ce qu’on disparaît, est-ce que notre matière sert à créer autre chose, est-ce que les sons qu’on a émis demeurent dans l’espace, est-ce qu’il y a une vibration, est-ce qu’on a changé par notre existence l’atmosphère de la planète?"
Autant de questions insolubles qui demeureront – hélas! (ou heureusement?) – sans réponse. "C’est ça l’art, en fait. Quelque chose qu’on ne comprend pas et qu’on lance au visage des gens. Puis on dit: "Tenez, on peut regarder ça ensemble." Le théâtre nous permet de faire ça en temps réel. C’est une plateforme rêvée pour plonger dans l’abstraction ou dans les zones plus floues."
À l’occasion du Festival TransAmériques / www.fta.qc.ca