Bart Baele : L’enfer, c’est les autres
Avec Bonanza, le collectif Berlin poursuit ses portraits sociaux de villes du monde. Un travail multidisciplinaire qui transforme le concept de documentaire. On en parle avec Bart Baele, l’un des membres de la compagnie anversoise.
Ah, le bonheur de vivre dans une petite ville! Être proche de la nature, tranquille… Là-bas, tout le monde se connaît et s’aime bien. Ah oui? Dans le spectacle Bonanza, le collectif Berlin parle de la plus petite ville du Colorado (et peut-être du monde). Cinq maisons, sept habitants permanents. Bonanza devrait être un havre de quiétude. Pourtant, les relations sont à couteaux tirés.
Comme le dit Bart Baele (un des trois concepteurs du projet avec Yves Degryse et Caroline Rochlitz), "c’est comme si le paradis se transformait en enfer". Les seuls moments où les Bonanzaniens se parlent, c’est lors des réunions à la mairie, une fois par mois, et ils se battent pour savoir qui va devenir maire… Ils s’espionnent, médisent les uns sur les autres. Mais, ajoute avec justesse Baele, "ce n’est pas uniquement l’histoire de ces sept personnes, c’est un portrait social que n’importe qui ailleurs dans le monde peut comprendre et reconnaître".
Depuis 2003, le collectif Berlin réalise une série de portraits de villes regroupés sous l’appellation de cycle Holocène (nom de la période géologique que nous vivons). Ils ont déjà réalisé les projets Jérusalem et Iqaluit. A suivi Moscou. Viendra, peut-être l’an prochain, la vie d’un vieux couple de 84 et 86 ans qui a décidé, malgré la contamination nucléaire, de continuer à vivre dans son village de la région de Tchernobyl…
Une oeuvre transdisciplinaire
À la différence du projet Iqaluit qui, depuis qu’il est en tournée, a pris la forme d’une installation, Bonanza est plus une forme de mise en scène théâtrale multimédia où "le matériel de base est de l’ordre du documentaire". Mais cela vire presque au thriller cinématographique qui pourra faire penser à une fiction… En dessous d’une imposante maquette de la ville qui s’anime au fur et à mesure du récit, cinq écrans vidéo (un pour chaque maison de la petite ville) permettent de raconter et de voir les péripéties de la vie dans ce microcosme. Un travail "ayant plusieurs niveaux formels", ajoute Baele et où les genres se mélangent et s’enrichissent.
Une oeuvre qui s’inscrit dans ce regain d’intérêt postmoderne qu’ont les arts contemporains pour les films ou vidéos présentés sur de multiples écrans (Eija-Liisa Ahtila, Doug Aitken…). Une façon de contester la manière dominante et normalisée de raconter au cinéma ou à la télévision…