Alain Platel : Mise à nu
Le metteur en scène et chorégraphe belge Alain Platel n’est pas un inconnu à Montréal, où l’on a pu voir bon nombre de ses créations. La dernière en date, Gardenia, est présentée au FTA.
Fondateur des Ballets C de la B, Alain Platel est un homme éclectique dans le choix de ses projets et de ses collaborateurs. Pour Gardenia, il fait monter sur scène des travestis et des transsexuels dans la soixantaine, et n’hésite pas à montrer des corps vieillissants et parfois maladroits.
"La curiosité est toujours un bon moteur pour moi, explique Platel, et c’est pour cela que j’ai accepté ce projet. Toutefois, j’étais conscient du danger de faire une pièce qui ne dise que des évidences, et je voulais que les spectateurs abandonnent très vite tout regard "voyeur", qui est celui que j’avais moi-même au départ."
L’idée vient de Vanessa Van Durme, une comédienne transsexuelle que l’on a pu voir en 2008 au Théâtre La Chapelle dans un spectacle solo intitulé Regarde maman, je danse, mis en scène par Frank Van Laecke. C’est elle qui a proposé à Platel (qui l’avait fait jouer dans Tous des Indiens) de s’associer à Van Laecke. Les deux artistes ont pris comme point de départ un film documentaire sur la fermeture d’un cabaret de travestis de Barcelone. "Le reste du matériel a été créé par les acteurs, explique Platel. On leur a posé des questions, on a improvisé avec eux. La frontière entre l’intime, le personnel et ce que l’on voit sur scène est donc parfois fragile, mais on a fait attention à conserver tout de même une certaine distance."
Les clichés que tout un chacun peut entretenir sur les cabarets de travestis, Platel a décidé de les assumer: "La plupart sont réels; on n’a donc pas essayé de les éviter, mais on a réfléchi soigneusement à la manière de les utiliser." Outre les traditionnels Dalida, Aznavour et Tina Turner, on entendra également du Ravel, du Schubert et du Mahler. "La musique est comme un personnage présent sur scène, car le compositeur Steven Prengels l’a mélangée avec des bruits et des phrases qu’il a captés durant les répétitions."
Ce spectacle est-il un manifeste contre l’homophobie? Platel se défend d’en avoir eu l’ambition. "Les hommes sur scène ne sont pas seulement des homosexuels, des travestis ou des transsexuels, mais des êtres humains. Ce que je cherche dans mes créations, c’est comment communiquer l’humanité que l’on partage tous. J’ai pu observer que les spectateurs se prennent d’affection pour les protagonistes, et sont généralement très touchés." De fait, le spectacle a été acclamé partout où il est passé.