Daniel Danis : Monument aux disparus
Scène

Daniel Danis : Monument aux disparus

Daniel Danis a écrit Mille anonymes en 1997. Depuis, il s’est livré à diverses expérimentations pour lui découvrir une mise en scène appropriée. Le Festival TransAmériques nous permet de découvrir le résultat.

Lorsqu’il écrit, Daniel Danis est traversé par des images qu’il cherche à raconter. "Un état mental fait naître un objet et, après, cet objet peut dire beaucoup de choses", explique-t-il, en précisant qu’il n’a pas d’emblée d’histoire ou de discours à livrer. Un arrêt dans une ville minière, comme un écho à l’époque où il vivait à Rouyn-Noranda étant enfant; un spectacle tout en ralenti de Claude Régy; et voilà qu’étaient réunis en lui les éléments nécessaires à l’éclosion de Mille anonymes: hommage aux sociétés disparues.

"Cette conjonction m’a mené à l’hallucination d’un groupe d’humains qui s’avançait vers moi, relate-t-il. On ne voyait pas les visages. J’étais dans une sorte de présent éternel. Une dame semblait vouloir me transmettre quelque chose en se dépliant les bras, mais je sentais que ce mouvement était difficile parce qu’elle s’empierrait. Et la transmission du message était entrecoupée de chuintements sidéraux, les mots n’étaient pas tous audibles."

S’en est suivi l’écriture de Mille anonymes, qui retrace le parcours d’un millier d’irréductibles s’accrochant à leur ville minière désertée jusqu’à se fondre dans la roche. Ne nous parvient d’eux qu’une parole fragmentée, portant sous la forme de points de suspension la marque de leur effacement. Cela, au gré de 33 tableaux, tantôt brefs, tantôt plus développés, où on s’attarde à un anonyme ou à la collectivité, à des scènes grandioses ou à des moments intimes.

"C’est comme un souffle, le souffle d’un groupe d’humains qui a vécu quelque part sur terre, un hommage au souffle de la vie, observe-t-il. Il pourrait s’agir des derniers Incas. Quelqu’un dira peut-être que ça a un lien avec la disparition de notre langue québécoise. Est-ce que ce sont les derniers soubresauts de la vie en soi? Je ne sais pas."

Au cours de sa longue démarche d’exploration entreprise en 2001, l’écrivain scénique a réalisé qu’il devait faire contrepoids au caractère aérien du texte en l’ancrant dans le réel, plutôt qu’en demandant aux comédiens de jouer les statufiés ou en multipliant les images virtuelles. "Ça me réjouit de me rapprocher de la matière et du geste de l’acteur", commente-t-il.

Le dispositif qu’il a imaginé lui permet de faire apparaître et disparaître, en tout ou en partie, corps et accessoires; de demeurer fidèle à l’éclatement de l’oeuvre, tout en ancrant son évanescence dans du concret. "On a un carré de planches de bois, des panneaux qui coulissent de droite à gauche, des fenêtres dans lesquelles on projette des images de Lionel Arnould… C’est vraiment un espace de bricolage", explique-t-il.

Ce projet marque enfin un tournant dans sa démarche artistique. "Quelque chose s’est produit qui me donne le goût de poursuivre sans texte", confie-t-il à propos de la tangente qu’il compte donner à son travail dans l’avenir. Son intention étant de trouver "de nouveaux espaces, de nouveaux temps, ceux de la vie des rêves, qui ne sont pas du quotidien, mais auxquels on est néanmoins connecté".

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