Toshiki Okada / Cinq jours en mars : Je et le monde
Toshiki Okada propose, au Carrefour, Cinq jours en mars, pièce créée en 2004 qui lui a valu le prestigieux prix japonais Kishida Kunio.
Toshiki Okada, auteur et metteur en scène, a d’abord étudié, pour respecter la volonté de ses parents, en commerce. "J’étais très obéissant, dit-il. À l’époque…"
Il bifurque et, en 1997, fonde chelfitsch qui, par son travail moderne et son esprit d’avant-garde, se range actuellement parmi les plus intéressantes compagnies de théâtre du Japon. Toshiki Okada en écrit et met en scène tous les spectacles, présentés avec succès dans son pays et à l’étranger.
La pièce commence en mars 2003, au début de la guerre en Irak, et présente quelques jours dans la vie de jeunes Japonais, à Shibuya, quartier animé de Tokyo. Parmi eux, Minobe et Yukki, après leur rencontre lors d’un spectacle rock, s’enferment pendant cinq jours dans un "love hotel", pendant que d’autres manifestent. Dans une structure complexe, les comédiens, tour à tour personnages et narrateurs, racontent l’histoire, les détails de leur vie, alors qu’au loin éclate la guerre. Contraste entre la vie individuelle et les conflits internationaux, entre l’ego et le monde, Cinq jours en mars fait le portrait d’une génération déroutée, souvent tournée vers elle-même.
"J’ai écrit ce texte pour ne pas oublier comment je me sentais au moment du déclenchement de la guerre en Irak, explique Toshiki Okada. Comme on le suggère dans la pièce, je croyais que la guerre ne durerait que quelques jours… Mais la réalité a été très différente: il est important, je crois, de ne pas oublier cette erreur."
Écrite en langage familier, empruntant les digressions et imprécisions de la langue typique de la jeune génération japonaise, la pièce est livrée par des comédiens agités de mouvements. Le spectacle, entre danse et théâtre, offre un contraste entre réalisme du langage et aspect métaphorique des gestes. "Je m’intéresse beaucoup au lien entre mouvement et discours. Le jeu conventionnel, parfois, ne me semble pas très réaliste, parce que le mouvement y est très synchronisé à la parole. Je ne crois pas que ce soit ainsi dans notre vie de tous les jours. Le lien, selon moi, n’est pas direct, mais plutôt indirect. La parole, dans la pièce, est naturelle, contrairement au mouvement. Mais en même temps, c’est peut-être faux; parfois, je ne sais plus… Je m’interroge sur la définition habituelle du réalisme au théâtre. Cinq jours… n’est peut-être pas réaliste, mais elle l’est peut-être aussi: cette incertitude me semble intéressante, pour moi et aussi pour le public."
Toshiki Okada a choisi, pour sa compagnie, le nom "chelfitsch", prononciation enfantine du mot anglais selfish, égoïste. Pourquoi ce nom? "Quand j’ai baptisé la compagnie, je me considérais égoïste. Je pense que la culture, la société japonaises sont peut-être aussi égoïstes, un peu infantiles. Je crois que j’ai changé. Quant à la société, je n’en suis pas certain… Mais j’espère vraiment qu’elle le fera: avec le désastre que nous avons connu, le moment me semble très propice, justement, pour réagir, et pour changer."