Lemi Ponifasio : Sentiment d’appartenance
Néozélandais d’origine samoane, Lemi Ponifasio fait souffler sur le FTA le vent poético-politique de Tempest: Without a Body. Un superbe objet d’art visuel en mouvement qui imprègne l’espace d’images d’un autre monde.
Ambiance de fin du monde. On ne saurait dire en quel lieu ni à quelle époque on se trouve, mais les êtres sur scène semblent militer, chacun à leur manière, pour le droit à la vie, pour le droit d’exister. Artiste de 47 ans basé à Auckland, Lemi Ponifasio présente Tempest: Without a Body comme une dénonciation de la perte des libertés individuelles qu’engendrent les politiques post-11 septembre partout sur la planète. Et si l’impact des images qu’il crée est indéniable, leur sens demeure obscur. Et ce n’est pas simplement dû à l’originalité de son vocabulaire.
"Il n’y a pas de signification cachée dans mon travail au sens où on pourrait expliquer quelque chose à travers le langage, explique-t-il. Même ici, les gens ne comprennent pas ce que je fais. Mon optique face à la performance, c’est que le corps restera à jamais un secret. Nos corps ont été formés culturellement, politiquement, socialement bien avant que nous ne soyons nés. Alors mon corps parle pour mon corps et pas nécessairement pour ce que je pense. Danser n’est pas une expression, c’est une intégration."
L’esprit des gens
Pour cette oeuvre comme pour toutes celles qu’il a créées depuis six ans, Ponifasio met en scène ce qui émane spontanément des membres de sa communauté qu’il invite sur scène. "Je sais avec qui je veux travailler, dit-il. Si vous apportez du raisin, je fais du vin. Si vous apportez du houblon, je fais de la bière. Si vous voulez vous tenir sur la tête, je dois voir comment faire ça sur scène. On doit travailler avec les gens. Sinon, ça ne marchera pas, parce que ce n’est pas authentique. Bien sûr, je prends des décisions sur le choix de certains mouvements, des sons et de la façon d’occuper l’espace, mais je cherche avant tout à mettre en scène le véritable esprit des gens."
Vu comme un cérémonial reliant les humains au cosmos, le spectacle n’a pas besoin de codes pour faire son oeuvre. Et dans les cultures des îles du Pacifique dont sont issus les membres de la compagnie Mau, l’artiste est vu comme un leader plutôt qu’un esprit libre. "Nous sommes les faiseurs de culture, précise Ponifasio. Nous ne sommes pas libres des gens, nous voulons être libres avec eux. J’ai l’impression qu’en Amérique du Nord, on parle beaucoup d’identité. Moi, je crois que nous devons plutôt parler d’appartenance. L’artiste ne peut pas avoir des attitudes hautaines ou se droguer. Il a la responsabilité de l’appartenance."