Fanny Molliens : Il était une fois la tournée
La compagnie française Rasposo propose une fresque sur le quotidien d’une troupe de cirque en tournée dans Le chant du dindon. Entrevue avec la metteure en scène Fanny Molliens.
Être le dindon de la farce. Peu employée au Québec, cette expression française signifie "se faire avoir". Et c’est de là que vient le titre de ce 15e spectacle de Rasposo, compagnie fondée en 1987 par les comédiens Fanny et Joseph Molliens. "Le dindon de la farce, c’est un peu l’artiste de cirque, explique la metteure en scène. Il est idéalisé, on s’imagine qu’il mène la vie extraordinaire d’artiste du music-hall ou de la chanson, mais, en réalité, il a une vie très dure, faite de travail acharné, de problèmes physiques, de fatigue et de solitude dans sa caravane. En même temps, il y a l’aspect formidable d’être une troupe soudée, l’euphorie d’être tous ensemble et d’oeuvrer pour la même chose. Le chant du dindon présente les deux côtés de la médaille."
Sous un chapiteau rétro pouvant accueillir 400 personnes, le public s’amasse, collé-serré, autour de 15 comédiens, acrobates et musiciens occupant en permanence une piste de taille plutôt modeste. Le feu autour duquel ils se regroupent et les musiques traditionnelles d’Europe de l’Est évoquent l’esprit manouche teintant le quotidien des circassiens qui voyagent encore en roulotte. Inspirée des personnalités de chacun mais cependant fictive, la trame narrative ne parle pas des cinq membres de la famille Molliens qui noyautent la troupe. Et la plupart du temps, les textes, improvisés, restent inaudibles.
"La parole sert simplement la dramaturgie, explique Fanny Molliens, elle n’existe que pour donner des ambiances, se réduit beaucoup à des interjections et est d’ailleurs souvent couverte par la musique." Main-à-main, banquine, équilibre, jonglerie, magie, contorsion, jeu aérien et mât chinois sont les composantes de cette peinture ultraréaliste d’une microsociété circassienne, la proximité du public permettant de valoriser les artistes en révélant ce que l’exploit technique exige d’effort, de sueur et de courage. Et pour mieux montrer encore "la vie telle qu’elle est", la joyeuse bande s’enrichit de la présence de quelques animaux.
"Ce ne sont pas du tout des bêtes savantes, défend Molliens. Les chiens, par exemple, sont nos animaux de compagnie. Ce sont des figurants à qui l’on demande juste d’être avec nous et de se tenir tranquilles."