Kenzo Tokuoka : Tendre est le cirque
Le quatuor masculin de la compagnie belge Le Carré Curieux transcende les disciplines circassiennes dans un spectacle éponyme où l’insolite transforme la performance en acte poétique. Entrevue avec Kenzo Tokuoka.
Ils sont quatre, venus de divers horizons et réunis par la même passion à l’École des Arts du cirque de Bruxelles. Promo 2004. Le seul Belge de la bande, Gert De Cooman, est spécialisé en mât chinois et tissu aérien. Le Franco-japonais Kenzo Tokuoka est acrobate et monocycliste. Le Franco-suisse Luca Aeschlimann jongle avec des balles et le Français Vladimir Couprie, avec un diabolo. D’emblée, la chimie opère et une amitié naît. Solide. Forts de l’accueil réservé à leurs prestations scolaires, les jeunes artistes créent une compagnie avant même d’être diplômés.
"La singularité du Carré Curieux, c’est qu’on n’est que des mecs sur scène, mais qu’on ne vient pas jouer les gros bras, assure Tokuoka. Parce qu’on assume totalement le côté tendre qu’on porte tous en nous et l’amour qu’on éprouve les uns pour les autres."
Fenêtre sur la vie de quatre colocs, le spectacle parle de la façon dont les relations nous révèlent à nous-mêmes en même temps qu’à l’autre. Dans un salon sans frontières apparentes, chacun occupe son territoire: canapé, igloo, tente perchée en hauteur… Sur fond de jeu et de légèreté, chacun explore les multiples facettes de son identité, réservant quelques surprises à ses compagnons de vie de même qu’au public.
La dimension surréaliste de l’univers mis en place est renforcée par des éclairages très graphiques qui créent parfois des illusions d’optique. Car la première singularité de la compagnie, c’est qu’elle détourne les techniques circassiennes pour générer de nouvelles images, ludiques ou insolites. Devenu toupie, le diabolo acquiert une indépendance inattendue. Privé de ses haubans, le mât chinois devient prétexte à la rencontre. Caché par une grande robe, le monocycle devient facteur de rêve, de poésie. Un cirque résolument contemporain que les quatre garçons qualifient de "vivant".
"On ne prétend pas être révolutionnaires, précise Tokuoka. On fait du spectacle vivant et, contrairement à la tendance, en Europe, à revenir à l’essence du cirque, on estime que la discipline ne doit fermer aucune porte aux influences extérieures. S’intéresser au cinéma, à la sculpture, à la danse, au théâtre, aux arts plastiques n’a rien d’aliénant. C’est une nécessité pour pouvoir prétendre faire de l’art et ne pas être simplement dans un processus de démonstration."